Querido Amancio, organisée à l’occasion de notre nouveau fonds Amancio Williams, a donné lieu à une lecture publique de lettres personnelles, au cours de laquelle les participants - Emilio Ambasz, Florencia Álvarez, Giovanna Borasi, Fernando Diez, Kenneth Frampton, Mario Gandelsonas, Juan Herreros, Martin Huberman, Cayetana Mercé, Inés Moisset, Ciro Najle, Ana Rascovsky, Claudio Vekstein et Claudio Williams - ont commenté l’héritage d’Amancio Williams.
Giovanna Borasi a fait part de ce qui suit :
Cher Amancio,
Nous n’avons malheureusement jamais eu l’occasion de nous rencontrer. J’ai le sentiment d’avoir appris à vous connaître un peu à travers les témoignages affectueux livrés par vos filles et vos fils avec qui j’ai eu le bonheur de discuter à Buenos Aires et à Montréal au cours des dernières années. Mais, aussi et surtout, je suis maintenant en mesure de comprendre vos idées et intentions grâce aux nombreux dessins et lettres dans vos archives, que vous aimiez transmettre tant à vos amis architectes qu’à vos clients.
La première fois où j’ai eu une véritable rencontre avec vous ou devrais-je plutôt dire avec vos idées, c’était en 2016 dans le bureau de votre fils Claudio; j’ai eu la chance de voir en personne une partie du matériel soigneusement conservé par votre famille au cours des trente dernières années. J’étais à Buenos Aires pour l’exposition L’architecte, autrement que j’avais organisée, et qui voyageait à la galerie Monoambiente à l’invitation de Martin Huberman, son directeur. Au cours des nombreux jours consacrés à la préparation de l’installation, Martin et moi avons trouvé un moment pour nous échapper de cet espace formé d’une seule salle pour venir consulter vos archives, tel que Claudio nous l’avait suggéré. En parcourant vos dessins, j’ai été impressionnée par votre ingéniosité, par la précision des solutions que vous proposiez et par la qualité intrinsèque de vos dessins et collages. L’idée m’est venue que le monde numérique dans lequel nous vivons aujourd’hui ne fait que restituer avec plus de pixels ce que vous dessiniez déjà il y a cinquante ans. Ces œuvres semblaient établies dans un avenir qui ne s’est pas matérialisé – malgré le fait que vous l’ayez imaginé, clairement et intensément, à travers des projets comme l’aéroport sur l’eau pour Buenos Aires, vos nombreux concepts pour des hôpitaux modernes, les multiples types de bâtiments publics sur lesquels vous travailliez ou bien votre design des Viviendas en el espacio, cette forme impressionnante pour un nouveau mode de vie urbain et écologique… Pour dire vrai, ce futur était et demeure encore tellement en avance sur son temps que nous ne l’avons pas encore rattrapé. À l’instar du travail d’autres architectes visionnaires, vos dessins vont au-delà de la seule présentation de vos idées; ils nous poussent à explorer, à produire plus d’idées.
Par ailleurs, vos projets construits ou encore existants n’étant pas si nombreux (il est remarquable que la ville de Mar del Plata fasse des efforts pour conserver la Casa del Puente, mais je m’interroge sur ce qui arrivera à cette petite tour lorsque la charmante famille qui y demeure décidera de la transformer ou de la vendre…), vos archives revêtent une dimension essentielle. Elles portent en elles le potentiel de vos idées et de vos explorations. Si tout ce matériel n’est pas préservé et diffusé plus largement, j’ai le regret de vous dire, cher Amancio, votre legs risque de commencer à s’estomper.
Lors de cette première rencontre, j’ai compris immédiatement à quel point votre travail avait été et est encore crucial pour les architectes argentins, particulièrement dans leur formation. J’imagine ce que cela peut signifier de gravir l’escalier à la FADU, un lieu entièrement dédié à vos projets. Il est un rappel permanent de la qualité de votre pensée et de son envergure. Mais j’ai également compris, et cela apparaît clairement dans votre correspondance, que grâce à votre éducation raffinée et à votre façon de travailler, vous avez participé et contribué à un échange continuel avec intellectuels et architectes bien au-delà de Buenos Aires et de l’Argentine. Vous étiez une personnalité internationale comme ceux qui composaient ce mouvement moderne, toujours parmi eux, toujours chez vous et dans le monde.
C’est avec une attention profonde portée à cet aspect de votre œuvre que votre famille a abordé cette conversation avec nous : avec le désir non seulement de s’assurer que vos archives soient conservées dans les meilleures conditions possibles, mais aussi avec l’envie de faire vivre et même étendre le dialogue productif que vous avez noué avec Le Corbusier, Reginald Malcolmson ou encore Walter Gropius, parmi tant d’autres, de par la proximité de vos idées. Un dialogue à pérenniser avec des spécialistes, des conservateurs et des chercheurs, qui, sans nul doute, ne manqueront pas de faire émerger de cette somme de travail rassemblée une histoire encore plus riche.
C’est pourquoi je crois que vous aimerez être au CCA, aux côtés des dessins de Le Corbusier, avec Pierre Jeanneret, Mies et Malcolmson. Vos archives ajouteront assurément de nouvelles nuances de complexité à nos idées actuelles sur la modernité.
J’ai déjà lu quelques-unes des nombreuses lettres que vous avez adressées à votre ami Malcolmson des années 1970 jusqu’à la fin des années 1980. Il est émouvant de lire à quel point vous étiez engagé dans votre travail, à quel point vous étiez passionné, debout au milieu du jardin intérieur formé des quatre piliers de la tour Eiffel, et à quel point vous trouviez étrange que ni Léger, Bloc ou Le Corbusier n’aient jamais envisagé cet espace sous cet angle. Mais j’ai été tout particulièrement frappée par votre enthousiasme en confiant qu’après avoir consacré tant d’années à ce que vous appeliez votre « énorme étude » sur la « première cité antarctique », vous aviez décidé de faire don de ce projet à l’Argentine et au Chili. Je me suis sentie inspirée en réalisant que vous étiez convaincu que toute idée est un outil politique et transformatif qui prend toute sa valeur dans la diffusion aux autres. Cette conviction est la raison principale de l’existence de la collection du CCA. Vos archives y trouveront un lieu privilégié pour accomplir cette vocation commune.
En ce sens, le matériel que vous avez laissé derrière vous est fondamental, pas seulement pour comprendre votre œuvre (de nouvelles analyses et lectures viendront certainement ajouter à la littérature existante dès que les archives seront accessibles au CCA), mais aussi pour creuser les nombreux sujets auxquels vous vous êtes intéressé dans vos projets et études. De nos jours, les chercheurs ont tendance à éviter l’approche monographique au profit de nouvelles formes d’historiographie ou d’interrogations thématiques. J’imagine que nombreux seront les gens qui exploreront votre travail en quête de perspectives nouvelles sur la tectonique, ou sur les relations inspirantes entre forme, structure et programme, ou encore sur l’urbanisme et le développement des communautés, ou sur les débuts de la pensée environnementale, pour ne donner que quelques pistes potentielles.
Je suis contente qu’un projet comme votre plan de 1974 pour la « ville dont l’humanité a besoin », une proposition captivante sur la manière dont nous pourrions habiter la planète en réduisant notre utilisation des terres, puisse être étudié à nouveau dans le contexte d’aujourd’hui. Comme vous le savez, cher Amancio, les questions de l’environnement sont au cœur de l’action du CCA, et les projets d’architectes qui remettent en cause notre mode de vie me touchent tout particulièrement. Il est facile de voir comment votre travail pourrait devenir une référence incontournable pour celles et ceux qui se penchent actuellement sur ces questions, alors que la propriété, la”gouvernance” et l’occupation du territoire constituent certainement une des préoccupations mondiales les plus urgentes.
J’ai très hâte d’avoir l’occasion de lire ce projet, et votre œuvre dans son ensemble encore plus attentivement, pour en découvrir davantage à propos de votre personnalité et inviter les chercheurs d’Argentine et du monde entier à examiner de plus près vos idées, à les analyser et à les partager avec d’autres.
Ce n’est que le début, mais il semble déjà que nous ayons l’un comme l’autre tant de choses à nous dire.
Ciao,
Giovanna
Montréal, le 11 mars 2020
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