Une base de données est-elle un musée?
Mike Pepi réexamine à quoi sert la numérisation des musées
Parfois, les questions les plus simples sont aussi les plus dérangeantes. Il y a quelques années, alors que l’utopisme technologique semblait à son comble, j’ai consigné mes réflexions dans un texte intitulé « Is a Museum a Database? » [Le musée est-il une base de données?]. En partie exploration sérieuse de la théorie des médias, en partie remise en question des idées reçues sur l’avenir du musée, avec une pointe d’impertinence aussi, l’essai faisait le point sur les angoisses du moment. Ou du moins, c’est ce que j’espérais. La question était une réaction aux pronostics fébriles quant au rôle émancipateur que la technologie numérique pouvait jouer pour des musées expiant des siècles d’exclusion, de colonialisme et d’omission. La mise en données pouvait les aider à regagner le terrain perdu. Mais cette logique de déterminisme techno était exactement le discours que la Silicon Valley cherchait à mettre de l’avant. Le musée n’était pas immunisé. En repositionnant l’institution comme une simple somme d’informations, le musée a pris une direction qui menaçait de refondre totalement son identité et sa mission, assujettissant encore plus au passage ses mécènes au capitalisme de plateforme.
Ma provocation d’origine abordait la manière dont la fonctionnalité manifeste d’une base de données (tout ensemble d’objets ordonnés, catalogués puis entreposés pour extraction et référence) était assimilée au rôle historique du musée et du projet plus vaste de l’histoire de l’art. La discussion avait commencé des années auparavant avec des théoriciens des nouveaux médias comme Lev Manovich, Christiane Paul et Josephine Bosma. Si les institutions acceptaient en théorie le potentiel radical des médias numériques, en pratique peu d’entre elles étaient préparées à une concurrence intense avec des plateformes numériques rivales. Ceci tient au fait que ces différentes plateformes numériques utilisaient les médias d’une façon qui empiétait sur l’espace traditionnel du musée, autant dans son rôle désormais caduque d’intermédiaire pour les images et leur interprétation que pour sa fonction en tant qu’activité de loisir. Une telle chose ne pouvait se produire qu’après le départ du « numérique » du ghetto de l’expérimentation des nouveaux médias pour entrer dans la cour des grands. Le musée est devenu un sujet d’intérêt dans la volonté plus large de colonisation exprimée par le capitalisme de plateforme, un nouvel ordre économique où produits et services créent un effet de levier pour les mégadonnées, l’automatisation et l’informatique ubiquitaire, permettant d’atteindre une situation de monopole dans l’économie de l’attention. Pour certains, la technologie axée sur l’utilisateur constituait une démocratisation bienvenue de la culture. Mais d’autres se montraient sceptiques face à cette vision utopique d’une connexion universelle venue du secteur privé qui, favorisant des monopoles technologiques à but lucratif comme Google, Facebook, Apple ou Microsoft, ne cachait finalement qu’une entreprise cynique de confiscation territoriale.
Le moment décisif est venu sous l’effet de deux courants réciproques, à la fois intérieurs et extérieurs à l’institution. Dans le domaine des musées, on ne tarissait pas d’éloges pour « le numérique ». Gestionnaires, spécialistes du marketing et même conservateurs étaient ni plus ni moins devenus accros à l’influence et au pouvoir des appareils connectés et à la capacité de mobilisation sans limites des réseaux en ligne. Les musées n’ont donc guère eu de réticences à se laisser convaincre par les entreprises spécialisées dans la technologie de décliner volontairement leur capital culturel dans les formats favoris des plateformes numériques. En numérisant leurs collections, en diffusant les images dans le cadre d’initiatives de « libre accès » et en reconfigurant rapidement différents aspects de l’expérience au musée pour la rendre plus conforme à cette optique de recours à la base de données, les gestionnaires de musées ont envoyé un message : les missions de leurs institutions, leurs dispositifs d’exposition et démarches scientifiques, les moyens par lesquels elles enrichissaient la culture du public, tout cela était devenu secondaire devant le singulier appétit de la base de données pour l’agrégation, moteur des algorithmes et des plateformes logicielles à l’échelle mondiale. En résumé, la numérisation était un acte politique. Qui a décidé qu’un musée devait suivre le mouvement? Et selon quelles modalités?
Quand les musées ont ouvert cette porte, les entreprises technologiques ne se sont pas fait prier pour s’y engouffrer. Pour elles, il y avait là un laboratoire et un terrain de jeu pour leurs nouveaux équipements. Le Google Art Project cartographie les musées et leurs collections depuis 2011; en 2015, le Guggenheim a installé cent iBeacon Bluetooth à très basse consommation d’énergie pour suivre les visiteurs en temps réel, permettant ainsi aux gestionnaires d’analyser les schémas de visite et d’envoyer des informations au sujet des œuvres d’art à proximité; et, plus récemment, l’appli Google Arts and Culture proposait une fonctionnalité de reconnaissance faciale capable d’associer l’égoportrait d’un utilisateur à des portraits de collections du monde entier, créant un étrange scénario dans lequel la technologie utilisée en intelligence artificielle de type militaire faisait ainsi le lien entre un amateur d’art occasionnel et un Vermeer.
Les artistes João Enxuto et Erica Love ont produit des textes et des œuvres multimédias visant directement les implications sociopolitiques de l’adoption de la technologie grand public par les institutions. L’essentiel de leur travail pointe vers un fait simple, mais pourtant essentiel : dans nombre de cas, les musées suivent l’argent à la trace. Les institutions subissent les pressions des fondations et donateurs pour démontrer l’efficacité des technologies, et cette efficacité ne peut être prouvée que par des chiffres; ceux-ci s’obtiennent uniquement par la comptabilisation et la collecte de données; et les données peuvent être recueillies efficacement avec des capteurs numériques et des appareils connectés intégrés à l’expérience muséale. Pour montrer les chiffres, il faut passer par un cadre analytique inhérent aux outils numériques. Pour les monopoles technologiques bien nantis, de telles expérimentations passent tout simplement dans la catégorie « recherche et développement », mais pour l’institution, il peut parfois s’agir d’une question de vie ou de mort. L’institution ne tarde pas à être tellement imbriquée dans un cadre de suivi et de détection que l’expérience du visiteur ne peut que changer radicalement. En fin de compte, confrontée à la précarité financière, l’institution n’a d’autre choix que de suivre le modèle d’affaires de la surveillance.
Google, évidemment, n’est pas un organisme de bienfaisance. Son incursion dans le monde de l’art avec le Art Project est en réalité une tentative de repositionner le pouvoir de l’art pour extraire de manière asymétrique du capital culturel des institutions publiques et sans but lucratif, et ce, enveloppée dans un projet plus vaste ayant pour but d’« organiser l’information mondiale et [de] la rendre universellement accessible et utile ». Mais tous ces efforts n’ont qu’une finalité partiellement éducative, l’essentiel de la démarche visant avant tout à renforcer l’hégémonie algorithmique de la plateforme. Cela peut sembler évident aujourd’hui, mais aux premiers moments où la « techno » est arrivée sur scène, les plateformes numériques ont réussi à élaborer un argumentaire convaincant sur le fait que tout ce processus permettrait aux musées d’étendre leur mission.
Et puis, la chute. Pour qui s’intéresse aux études informatiques, 2017 restera l’année du rejet brutal de l’idéologie d’ensemble (et des pratiques) de la Silicon Valley. Cela a commencé avec le mouvement #DeleteUber [#SupprimeUber] sur Twitter. Lorsque le président Trump a annoncé son décret de « bannissement des musulmans », la New York City Taxi Alliance a appelé à une grève générale. En quelques minutes, il est apparu clairement que les « briseurs de grève » d’Uber continueraient leurs activités comme à la normale. Une simple grève illustrait le principe fondamental de l’économie de plateforme : toute solidarité entre travailleurs est impossible quand 1099 entrepreneurs individuels n’ont d’autre choix que d’utiliser une application extractive tierce pour gagner leur vie. La consternation entourant l’administration Trump a catalysé une foule d’autres scandales de nature éthique et juridique à travers la Silicon Valley. Également en 2017, Cambridge Analytica est l’objet de vives critiques pour avoir collecté les données de profil de millions d’utilisateurs de Facebook afin de générer des segments extrêmement ciblés d’électeurs potentiels, menant en fin de compte à un avantage électoral allégué pour la campagne Trump. Mais le gros de l’indignation du public concernant les ratés de Cambridge Analytica ou des briseurs de grève d’Uber durant la grève des taxis tient au fait que de tels comportements ne sont pas une aberration pour ces plateformes, mais plutôt une composante au cœur de leur modèle d’affaires. Facebook est conçu autour de l’idée de capter l’interaction la plus anodine de chaque utilisateur pour raffiner sa connaissance de ses goûts, monnayée ensuite au plus offrant des publicitaires. Uber, service non encadré à moitié illégal assuré par des amateurs, utilise ses algorithmes de localisation et ses structures d’enchères pour payer ses chauffeurs le moins possible en tout temps. Un chauffeur débrayant un après-midi en solidarité avec la grève pouvait perdre un mois de revenus.
Dans la dernière année, les plus grandes entreprises technologiques ont connu des dérapages éthiques majeurs et ont eu des comptes à rendre. Mais, comme le veut l’adage, ceci n’est pas un bogue, c’est une fonctionnalité. Avec le recul, la vague initiale d’enthousiasme effréné pour le « musée numérique » semble bien naïve; un manque désolant de scepticisme de la part des grands penseurs de la muséologie qui ont cédé au battage marketing orchestré depuis la Silicon Valley.
Poser la question « Le musée est-il une base de données? » nécessite de s’appuyer sur des définitions fiables de ce que sont le « musée » et la « base de données ». Le « musée », cependant, semble résister à toute tentative de définition. Les musées sont, d’abord et avant tout, des réserves physiques qui créent un univers en encadrant des objets et en articulant des récits possibles. Cette définition élargie pave la voie pour une comparaison avec les bases de données de ce monde. Les immenses centres de données déployés à l’échelle du globe contiennent aujourd’hui des milliards d’images et de textes et, quand ils ne servent pas d’archives au sens commun du terme, ils ont physiquement une fonction assez similaire, quoique souvent au service d’entreprises privées.
Pour ce qui est de la « base de données », il existe une définition technique solide. Une base de données doit être un ensemble d’informations indexées, conçu pour un stockage et une extraction optimaux. Une donnée est tout ce qui peut être « prélevé » par nature, et une base de données est l’ensemble de ces choses prélevées, hébergées généralement sur un ordinateur. Toutes les bases de données sont formées d’uplets et d’attributs, désignés comme « relations ». Les relations cartographient les métadonnées de toute collection centrée sur l’objet, et donc un musée est d’un point de vue conceptuel assez proche d’une catégorie de données, puisque chaque objet est unique et partage des caractéristiques qui sont normalisées et triables. Mais bien sûr, tout ne s’arrête pas là. Comme Lev Manovich l’a montré, les bases de données ne créent pas de récits par elles-mêmes, mais elles fournissent des règles et une structure à partir desquelles l’information peut être transformée en récit. Et ce récit est le chaînon manquant, qu’il émane d’un conservateur ou d’un algorithme. Un musée pourrait être critiqué pour avoir raconté une histoire plutôt qu’une autre, alors qu’une base de données sera perçue – à tort – comme étant neutre. Comme l’ont démontré tant de critiques de la technologie, des données pures, naturelles, quelque chose comme une réalité immanente, tout cela est un mythe. Toute base de données comporte des choix et structures cachés voulus par son créateur. Les bases de données et les musées ne sont pas affranchis du péché d’imposer un parti pris ou un récit par leur structure même. Mais la base de données, par son extensibilité et sa modularité, masque ce fait, donnant à l’utilisateur le sentiment qu’il est maître du jeu. Les algorithmes qui agissent sur les données produisent une impression de choix, de navigation et de transparence subjective sur le moment. En ce sens, une base de données est une assise pour la fragmentation du présent : on pense que le musée numérisé offre sans entrave l’abondance de ses collections à l’utilisateur comme un symbole de progrès et un triomphe sur les problèmes de la vieille institution. Mais le coût de cette contrepartie est exorbitant : c’est par la base de données que le visiteur/l’utilisateur « émancipé » devient lui-même encore plus empêtré dans l’hégémonie algorithmique de la plateforme.
La vie contemporaine est dominée par l’idéologie de la Silicon Valley : nous sommes profondément positivistes et utilitaristes, biaisés en faveur d’actions soutenues par de grandes marques. Le musée, de son côté, est un contenant humaniste, idéologique, éreinté par près d’un siècle de critique. En l’absence de certitude, la logique de la base de données est reine. Nous sommes aplanis, présentistes et allergiques à la nature lente et méthodique de l’encadrement conceptuel. Une agréable interaction de consommateur faisant appel à la technologie peut effacer tout un historique de réalisations institutionnelles en un claquement de doigts ou un clic. Notre vision collective n’a jamais été autant réduite aux « données devant nos yeux ». Donc, au plus fort de l’heure utopique de la technologie, la base de données est apparue comme une forme « pure », fonctionnelle à l’excès, dégagée de la structure narrative qu’impose l’histoire de l’art, mais aussi le regard du musée.
Le musée a été et est encore un instrument de projection de notre notion collective d’une vie de qualité. Tel qu’il a été conçu au XVIIIe et au XIXe siècles, il fut en Occident un facteur crucial dans le passage du féodalisme au capitalisme et au concept bourgeois moderne de l’individu. Le critique culturel marxiste Terry Eagleton nous rappelle que l’esthétique, précurseur philosophique du musée, fut « la clé d’un État fonctionnel ». Le travail éthique accompli par le musée des Lumières pour les intérêts aristocratiques et mercantiles de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne, ce lien entre droit moral et épanouissement des sens physiques, est toujours d’actualité, mais avec l’apparition de nouveaux acteurs. Dans la grande retraite de l’État, la classe incarnant la plateforme néolibérale a même encore plus à gagner à l’avènement d’un nouvel ordre idéologique et moral de nos sensations. Alors, pourquoi cette nouvelle classe dominante traiterait-elle les musées différemment? Bien qu’il paraisse quelque peu ébranlé par des médias plus flexibles, le musée n’en est pas moins au cœur de leur ambition d’une transition du capitalisme ancien vers un capitalisme de plateforme, lequel se revendique de la base de données comme unique modèle organisationnel.
Les administrateurs des plateformes influentes de ce monde ont vu l’art, et en particulier le regard muséologique, comme l’ultime frontière à coloniser. La tradition esthétique est un objet de fascination pour l’appareil de surveillance technico-capitaliste. Les ingénieurs du capitalisme de plateforme ont une peur bleue du rapport humaniste à l’art, car on touche là à une zone d’expérience vécue qu’ils ne peuvent reproduire ou démanteler dans une application. Tout ce qu’ils peuvent espérer, c’est en approcher vaguement l’esthétique, de puiser dans sa force pour faire avancer le projet plus vaste de la capture et du contrôle informatique. Pour eux, le musée demeure un territoire de mystère, imperméable à toute médiation technologique. Malgré des siècles de machines, nous nous extasions encore devant une simple esquisse au fusain; nous recherchons l’art et son espace contemplatif qui, contre vents et marées, réussit l’espace d’un instant à nous arracher au quotidien. Pour l’ingénieur, ainsi, le musée est à la fois un terrain de jeu et une menace.
Par la numérisation de ses collections, le musée réduit à une somme de données ouvre la voie pour un transfert historique dans lequel sa fonction même passe d’un soutien idéologique de capitalisme industriel et de l’État bourgeois à un nouveau rôle historique, celui d’un complice esthétique du règne sans partage du capitalisme de plateforme. La dépendance à la base de données dissocie l’esthétique de ses représentations institutionnelles traditionnelles et met en valeur l’importance de la technologie numérique. Le musée est une défense contre l’idée que la plateforme aurait quelque droit que ce soit sur l’esthétique, qu’elle devrait se poser en arbitre de nos perceptions. Cependant, réduire le musée à une enveloppe autour de ce qui n’est finalement qu’une base de données est une posture morale pour une ontologie de plateforme, un acte politique équivalent au renoncement à tout scepticisme face à l’autorité des monopoles numériques. Le musée est un pilier symbolique à une époque de gratification instantanée, un engagement envers la postérité à une époque de l’ici et maintenant et une structure qui met en valeur ces traits caractéristiques de l’humanité : le goût du récit, du doute, de l’inconnaissable face à un régime algorithmique qui nous pousse vers une société construite autour de l’optimisation et de la comptabilisation.
La nouvelle institution numérique restant encore largement à définir, on est en droit de se demander : « Qui fait le travail de cette institution? Quelles sont les structures de pouvoir privilégiées dans ce nouveau mode d’échange et de production? Qui sont les perdants? » Si hier, la question était de savoir si un musée est plus qu’une pure base de données à un moment où la logique de celle-ci colonise toute chose, celle posée aujourd’hui, après que le firmament idéologique de la Silicon Valley ait passablement pâli, porte plutôt sur la façon dont le musée pourrait se défaire de cette vision utopique surannée de la plateforme numérique. Comment le musée peut-il continuer et maintenir sa raison d’être à travers les hauts et les bas des plateformes, leur offensive massive et écrasante puis, soudain, leur retrait accéléré? S’il se formate de plus en plus comme un répertoire d’images auxquelles on accède et qu’on diffuse à travers des plateformes numériques, alors on peut renverser la provocation initiale. Et si, avant même de nous demander si le musée était une simple base de données, nous nous préparions aujourd’hui à un monde où la question est : « Une base de données est-elle un musée? Si oui, comment? »
Répétons-le, la base de données n’est pas un musée à proprement parler. Mais avec le temps, les deux entités peuvent devenir impossibles à distinguer. Alors que le musée verse dans « l’expérience utilisateur » et sécrète des données en temps réel, il y a des chances qu’il soit soumis à un ensemble d’intrants et d’extrants. Donc l’inversion du titre est une autre manière de dire : « Jusqu’où avons-nous été? Devons-nous maintenant chercher des moments hétérotopiques dans la structure des données de nos plateformes? Pouvons-nous extirper la dimension internationale du monde médiatisé qui est notre réalité actuelle? Qu’est-ce que cela exigerait-il? Ou nous faut-il remiser les plateformes qui ont été remodelées pour remplir la fonction esthétique du musée? Quittons-nous Facebook (boycottage, désinvestissement, abandon)? » Un retour à une époque pré-numérique dans l’histoire des musées ne signifierait pas forcément l’abandon total des outils numériques, mais un réalignement des outils les plus puissants sur les principes fondamentaux d’une muséologie appelée à survivre à l’existence éphémère de sa propre représentation logicielle.
Voir un musée comme une base de données est aussi inimaginable que l’inverse. Il est possible, néanmoins, d’avoir une institution qui soit numérique. Mais elle ne peut être modelée selon la logique de capital-risque de l’extraction de valeur et de la surveillance. On ne nous refera pas le coup. Voilà un projet exigeant à mener, mais une grande partie du travail a déjà été réalisée. Depuis 2010, nous avons compris qu’il n’est aucunement dans notre intérêt d’ajouter des fonctionnalités à un monopole capitaliste de plateforme, mais qu’il est souhaitable par contre de mettre à profit ses moyens pour renforcer, et non remplacer, la nature singulière de l’institution muséale.
Ce texte figure dans notre livre « Le musée ne suffit pas » (2019).