Pourquoi les photographes sont-ils si fascinés par les fenêtres?
Takashi Homma photographie les fenêtres de Le Corbusier
- CCA
- Ce livre comprend des photographies que vous avez prises à Chandigarh en 2013 dans le cadre d’une commande du CCA, mais il semble que vous portiez attention au travail de Le Corbusier depuis déjà longtemps.
- TH
- Au milieu des années 1990, j’ai commencé à m’intéresser à la photographie d’architecture et j’ai pris des photos de bâtiments de Kazuyo Sejima et Rem Koolhaas qui m’attiraient par leur transparence et leur légèreté. En fait, j’ai étudié l’architecture et j’avais une curiosité de base envers le modernisme, y compris le travail de Le Corbusier. Quand j’ai visité la maison de sa mère, en 2002, j’ai découvert que toutes les pièces étaient plutôt petites. Ça m’a semblé intéressant, particulièrement en raison de mon regard de Japonais, habitué aux petites pièces. Ce fut un sentiment de grande intimité. J’ai par la suite photographié les bâtiments de Le Corbusier dès que j’en avais la possibilité.
- CCA
- Dans ce livre, vous vous concentrez sur la notion d’ouverture, de relation entre intérieur et extérieur. Regarder à travers cet élément est une façon particulière d’aborder des bâtiments très distincts, d’échelles très différentes.
- TH
- Bien que je savais que de nombreux livres existaient déjà sur l’œuvre de Le Corbusier, je tenais à la photographier, donc la question était de savoir comment. Je photographiais des chefs-d’œuvre d’architecture depuis longtemps et j’étais toujours curieux de savoir comment les architectes concevaient les vues des paysages à partir de l’intérieur de leurs bâtiments. Depuis mes débuts en photographie, je me concentre sur la notion de cadre, de fenêtre, qui est à la fois une question d’architecture et de photographie. Le soutien que j’ai reçu pour ce projet de la Windows Research Institute s’est révélé une occasion parfaite de me concentrer sur la photographie des fenêtres.
- CCA
- En 2013, envoyé par le CCA, vous êtes allé à Chandigarh pour photographier l’œuvre de Pierre Jeanneret et de Le Corbusier. Ce voyage a-t-il modifié votre perception de leur travail? Votre expérience a-t-elle été différente de ce que vous aviez vu en Europe?
- TH
- La visite de Chandigarh est une expérience incroyable. Au départ, je ne reconnaissais pas de différences particulières entre ces bâtiments de Le Corbusier et ceux que j’avais vus en Europe. Mais certains architectes japonais, dont Toyo Ito, ont récemment accordé plus d’attention au travail de Le Corbusier en Inde. Je m’y intéresse moi-même de plus en plus, et je pense faire un nouveau livre qui ne portera que sur ces bâtiments et l’environnement dans lequel ils sont inscrits.
- CCA
- Avez-vous fait référence à d’autres photographes au moment de ce projet?
- TH
- De nombreux grands photographes se sont concentrés sur les fenêtres. Les photographes réfléchissent toujours en termes de cadres, et cette question est importante dans l’histoire de la photographie. Il existe de nombreuses manières dont ils regardent les fenêtres : de l’intérieur, de l’extérieur, parfois en plaçant des objets à proximité, parfois des personnes… Pourquoi les photographes sont-ils si fascinés par les fenêtres? C’est une grande question pour moi, et c’est bon pour mon travail et ma propre recherche de continuer à photographier des fenêtres.
- CCA
- Quand on feuillette votre livre, on passe d’un projet à l’autre toujours selon l’aspect de la vue. Bien que les bâtiments soient différents, qu’ils soient situés dans des lieux distincts et soient de dimensions variées, on note une nette continuité dans le travail de Le Corbusier, qui n’est peut-être pas aussi évidente quand on regarde chaque construction comme un tout. Il semble que vous ayez trouvé un fil qui relie tous ces bâtiments. Pouvez-vous nous expliquer votre démarche? Comment choisissez-vous quoi photographier lorsque vous entrez dans une maison?
- TH
- J’ai moi-même été surpris de voir cette continuité quand j’ai fait une maquette du livre; c’est quelque chose que je fais toujours pour vérifier la séquence, la taille des images, leur cadrage… Au début de ma carrière, je faisais le tour du bâtiment avant de prendre une photographie. Mais maintenant je fais confiance à mon intuition et à mon regard, sans intermédiaire. Quand je visite un bâtiment, je ne réfléchis pas au concept ou au récit qui l’entoure, mais j’essaie plutôt de tout oublier. J’entre et je photographie rapidement, suivant ce que je vois.
Takashi Homma s’est entretenu avec la CCA au Japon au sujet de son travail sur les fenêtres Le Corbusier, présenté dans notre publication Looking Through: Le Corbusier Windows et dans notre exposition à venir.