Une lettre de Giovanna Borasi
Il y a quelques semaines, nous avions décidé de suspendre toute activité publique en ligne pour écouter les voix qui s’élèvent contre les injustices raciales et discuter de notre propre responsabilité dans la lutte contre la discrimination. Il est urgent de mettre fin à l’oppression systémique dont souffrent les communautés noires.
Nous continuons d’assister à des réactions de grande ampleur de la part d’individus et d’institutions du monde entier, et les nouveaux événements de ces derniers jours, y compris la violence qui touche les peuples autochtones du Canada, témoignent à la fois de l’omniprésence du racisme et du pouvoir transformatif qu’a l’action collective. De nombreuses institutions culturelles prennent position, et nous pensons que ce n’est qu’en abordant ces problèmes urgents que nous en sortirons renforcés dans nos objectifs et nos priorités.
Nous répondons à cette urgence à tous les niveaux du CCA, et nous commençons par répondre à notre responsabilité dans la construction d’un discours qui n’a pas abordé de manière adéquate les questions de race et de justice que nous nous posons aujourd’hui. Même si nous avons visé à orienter nos programmes en suivant les principes de l’éthique et de l’équité, nous devons et nous allons nous pencher plus directement sur les façons dont l’architecture perpétue les inégalités systémiques et le racisme, en Amérique du Nord et dans le monde entier.
En tant qu’institution de recherche dont le travail s’appuie sur une vaste collection qui sert de base à la recherche par d’autres personnes, nous devons examiner et mettre en lumière comment des siècles de colonialisme, de nationalisme et de préjugés économiques et raciaux façonnent ce qui est étudié, reconnu et exprimé. Cela exige de complexifier davantage notre collection et d’inclure plus d’histoires non blanches et non-occidentales afin de créer des espaces et des ressources pour les voix sous-représentées, tant historiques que contemporaines.
L’architecture a toujours été une expression du pouvoir, mais les dernières décennies révèlent également le poids de plus en plus important des actions communautaires et des initiatives ascendantes, notamment en ce qui concerne les questions environnementales. Notre travail curatorial et nos programmes publics ont été de plus en plus guidés par l’étude de ces relations de pouvoir et axés sur la façon dont l’environnement bâti contribue à la transformation sociale. Aujourd’hui, nous nous engageons à renforcer ces plateformes afin qu’elles multiplient les points de vue et les perspectives, qu’elles déconstruisent mieux l’apparente normalité du monde qui nous entoure et qu’elles diffusent plus largement les opportunités créées par les moments de transformation.
Toutes ces préoccupations sont essentielles pour le CCA et nécessiteront également le déploiement d’outils permettant de mesurer nos actions et d’évaluer leur impact, tant sur la structure interne de l’institution que sur les idées que nous mettons de l’avant. Nous allons consacrer notre énergie et nos ressources au travail qui nous attend : nous devons apprendre, écouter, rechercher, comprendre, progresser et nous ouvrir.