Combustion

Hamish Lonergan, Iva Resetar, Demetra Vogiatzaki

La combustion est un processus par lequel une substance, généralement un combustible, réagit avec l’oxygène pour libérer de l’énergie sous forme de chaleur et de lumière – on peut la voir comme un ballet contrôlé et transformateur entre combustible et air. Pour illustrer, lorsque vous frottez une allumette ou allumez une cuisinière à gaz, vous assistez à une combustion. Cette réaction chimique, outre alimenter des activités quotidiennes comme la cuisine et le chauffage, fait également fonctionner les moteurs de voitures et génère de l’électricité dans les centrales de production d’énergie.

Si elle est essentielle à la bonne marche du monde moderne, la combustion fait payer un lourd tribut à l’environnement. La combustion des combustibles fossiles comme le charbon, le pétrole et le gaz naturel libère de grandes quantités de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère, contribuant considérablement à l’effet de serre et au changement climatique. En parallèle, l’extraction et la combustion des combustibles fossiles ont souvent pour conséquences la destruction des habitats et la dégradation de l’environnement.

Les objets de la collection du CCA présentés dans cette série reconstituent l’évolution historique de ces dynamiques paradoxales de combustion. Ils décrivent un arc de réactions à ce phénomène dans le contexte de l’expérience et de la conception de l’environnement bâti : de la crainte à l’enthousiasme, puis de nouveau à la crise. En analysant des documents d’archives et réglementations gouvernementales, nous avons constaté à quel point, avant le XVIIIe siècle, la combustion était considérée comme une menace majeure pour les bâtiments et les villes, même si elle fournissait le moyen de les chauffer ; architectes et artisans prenaient généralement en compte les risques d’incendie par un choix avisé et réfléchi des matériaux et méthodes de construction.

Pendant que vous parcourez cette série d’objets, nous vous invitons à garder à l’esprit la double signification de la combustion comme source d’alimentation : si elle génère de l’énergie, sa production reste dans les mains de qui contrôle les ressources, les processus et le savoir.

Antoine Vaudoyer, Rapport fait le 16 germinal, an 5, au Conseil des bâtimens civils / par le c.en Vaudoyer…sur les moyens d’améliorer les habitations des cultivateurs du département de la Haute-Loire, depuis les environs de Clermont jusqu’au Puy. Riom, De l’Imprimerie de J.-C. Salles, 1797. PO9821 CCA.

Le tuf est un sous-produit zéolithe des éruptions volcaniques employé récemment comme agent durable dans le captage de dioxyde de carbone. Il est aussi utilisé depuis des siècles en tant que matériau de construction, en particulier pour les ouvrages d’infrastructure, pour ses qualités de résistance et de légèreté. Dans cette étude de la fin du XVIIIe siècle, l’architecte et haut-fonctionnaire français Antoine Vaudoyer (1756-1846) met en avant le tuf comme élément de choix pour l’amélioration des conditions de vie dans les régions agricoles pauvres aux terres volcaniques. Vaudoyer vante les qualités de ce matériau – sa légèreté, sa porosité, ses dimensions pratiques et sa belle apparence – soulignant les avantages de l’emploi de matériaux locaux pour les nouvelles constructions.

Société royale d’agriculture, “Constructions économiques pour les campagnes ou bâtiments incombustibles. Rapport des Commissaires de la société royale d’agriculture, 21 Juin 1790,” dans French Architecture: Letters and documents, 1776–1819. PO11694 CCA.

La construction en pisé gagne continuellement en popularité pour ses vertus environnementales, notamment les faibles émissions de gaz à effet de serre du procédé, ainsi que le rendement thermique du produit. François Cointeraux (1740–1830) est l’un des premiers architectes à promouvoir son utilisation, publicisant avec passion ses découvertes dans pléthore d’opuscules, lettres aux autorités françaises et participations à des concours (certains de ces documents sont aussi conservés dans le dossier d’archives). Dans cette revue des propositions de Cointeraux, les agents de la Société royale d’agriculture française mettent en relief les nombreux avantages de la construction en pisé, pointant en particulier son incombustibilité – propriété qui, à leur avis, serait de nature à résoudre le fléau tenace des incendies en milieu rural.

Avec l’arrivée de l’industrialisation et l’invention des systèmes de climatisation, la combustion va évoluer d’un aspect quotidien de la construction à une spécialité scientifique de haute technologie. Cependant, cette illusion d’un contrôle humain sur la température ne durera pas bien longtemps. La fin du XXe siècle marque le début d’une prise de conscience du fait que la combustion fossile réchauffe l’atmosphère terrestre à des niveaux aussi alarmants qu’intenables, provoquant souvent un retour aux méthodes et technologies artisanales que l’on avait délaissées plus tôt dans ce même siècle.

Ernest Cormier, Thermomètre. ARCH252051 Fonds Ernest Cormier, CCA

La température est le premier indicateur de la chaleur et de l’accumulation du carbone. S’étant éloignée de l’environnement « bien tempéré » caractérisant l’Holocène, la chaleur est devenue une mesure d’un état « décalé, fluctuant, chaotique », possédant « une nouvelle littéralité, laquelle perturbe les usages métaphoriques que nous en faisons », d’après Steven Connor1. Depuis que l’on a commencé à observer les émissions de gaz à effet de serre avec la « grande accélération » des années 1950, les preuves n’ont fait que s’accumuler quant à la manière dont même le CO2 et d’autres gaz produites par la combustion des combustibles fossiles retiennent la chaleur dans l’atmosphère terrestre, conduisant à des changements dans le climat et à des augmentations de température sur la planète entière2. Dans l’espace restreint que représente celle-ci, la chaleur traverse différentes dimensions de particules, d’environnements et de corps. Les bâtiments, même en apparence climatisés, voient s’infiltrer la chaleur. Un thermomètre du fonds Ernest Cormier est un instrument courant d’analyse du contrôle artificiel de la température dans les environnements bâtis et de notre tolérance contemporaine à l’inconfort personnel.


  1. Steven Connor, “Thermotaxis,” Steven Connor, avril 2005. http://stevenconnor.com/thermotaxis.htm 

  2. Jan Zalasiewicz, Mark Williams, Will Steffen, and Paul Crutzen. “The New World of the Anthropocene.” Environmental Science & Technology 44, No. 7 (2010), p. 2228-2231.  

“A Silk Mill Installation and Psychometric Chart” dans Carrier air washers and humidifiers, with notes on humidity. Buffalo, NY, Carrier Air Conditioning Co., 1908, 32-33. ID:90-B6245 CCA

Les environnements de production industrielle, tels que les usines textiles, ont été les premiers terrains d’essai pour les nouveaux régimes thermiques. Au fur et à mesure que la technologie de la climatisation s’est répandue et a été mise en œuvre, son objectif s’est déplacé : les connaissances appliquées de la thermodynamique se sont mêlées à celles de la perception humaine, introduisant un ensemble d’outils pour créer, observer et évaluer le climat intérieur et ses effets. Ce langage technique, tel que le tableau psychométrique de Carrier Air Conditioning Co., superpose des méthodes quantitatives dérivées de la météorologie à une échelle permettant de gérer le confort des humains. Plus tard, les équations de calcul du confort thermique ont ramené le confort à la notion universelle de satisfaction « optimale ». Au-delà de la promesse de créer un environnement intérieur stable et contrôlé, la climatisation a dépassé ses débuts dans l’usine pour devenir un projet socio-technologique global.

Les objets sélectionnés nous rappellent également que l’histoire de la combustion n’est pas seulement utilitaire ; elle est directement mêlée à plusieurs aspects de l’art, de la beauté et de l’émerveillement. La pyrotechnie et l’usage du feu en tant que spectacle remontent à des siècles, des cultures du monde entier pratiquant les feux d’artifice et l’art du feu contrôlé pour des festivités. Ce rapport historique entre le feu et le spectacle sert de passerelle vers le design contemporain et la transformation en cours de la conscience environnementale en un acte performatif et parfois erronément optimiste.

Melvin Charney, Malevich altered (Malevich redrawn), 1978. Crayon de couleur sur une photocopie sur papier vélin. DR1984:1572 Fonds Melvin Charney, CCA. Don de Melvin Charney

Dans son étude pour Construction à la une…No. 4 (1979), dans la collection du Musée national des beaux-arts du Québec, Melvin Charney superpose des motifs de l’architecture constructiviste et De Stijl à une photographie publiée dans les pages affaires du New York Times du 20 février 1975. Ici, le président de la United Steel se tient derrière la maquette d’une nouvelle usine près de Gary, en Indiana, tandis que des plans bleus et rouges balayent la page. L’étude fait partie d’une série comme celle dans la collection du CCA, qui retravaille des pages de journaux pour mettre en relief la répétition des relations visuelles entre bâtiments et événements désastreux. S’inspirant de la notion de « connaissance tacite », développée par Michael Polanyi, Charney voit dans ces images qui se répètent l’indication d’une réalité matérielle inhérente aux bâtiments et aux villes, que l’on peut pressentir en assemblant des sources visuelles plutôt qu’en écrivant. L’une de ces répétitions, comme le précise Charney dans un commentaire sur une œuvre similaire, est le trope des puissants pointant du doigt des maquettes architecturales, leur geste résumant à lui seul les flux de capitaux impliqués dans la construction, qui portent préjudice aux gens vulnérables. Mais vue sous l’angle de la crise climatique actuelle, une autre réalité implicite peut nous apparaître plus clairement qu’elle ne l’était pour Charney : l’importance du carbone dans les questions liant architecture et industrie. Les effets persistants du choc pétrolier de 1973 envahissent le texte d’articles sur l’érosion des ventes d’automobiles et de pneus sous l’effet d’un autre collage de Charney. Encadré par deux stries de bleu, le mot « Kuwait » [Koweït] ressort en manchette, mettant en évidence à quel point carbone et pétrole lient la production intérieure américaine aux États pétroliers du Moyen-Orient. L’industrie sidérurgique, lit-on, « a plutôt bien résisté à la récession jusqu’à présent » – d’où la nouvelle usine à Gary –, mais nous savons que cette activité gourmande en carbone ne va pas tarder à être frappée de plein fouet par les conséquences de la crise pétrolière provoquée par la révolution iranienne en 1979.

Hubert Rohault de Fleury, Élévation nocturne d’un édifice à coupole non identifié entouré d’une colonnade, peut-être un cénotaphe dédié à Newton (1800-1812). Stylo et encre noire avec lavis brun et noir sur papier vergé. DR1974:0002:012:014 CCA. © CCA

Nous ignorons à peu près tout de l’origine ou l’objet de ce dessin anonyme. Il appartient à un dossier contenant des dessins d’étudiants de l’architecte Hubert Rohault de Fleury réalisés à l’École spéciale de peinture, sculpture, et architecture à Paris (1800-1802). La géométrie austère des formes et les qualités émotionnelles de la scène font penser à l’influence pérenne d’Étienne-Louis Boullée sur la pédagogie architecturale des Lumières. À la fin du XVIIIe siècle, les dessinateurs ont souvent recours au feu pour mettre en valeur et animer la perception esthétique des bâtiments. Comme c’est le cas dans cette image, les flammes sont habilement employées pour illuminer les structures monumentales et leur insuffler vie. Cette interaction graphique captivante entre ombre et lumière – inspirée par les principes de Lumières, le symbolisme franc-maçon et les percées scientifiques de l’époque – rehausse les propriétés affectives et métaphoriques du dessin d’architecture. De nos jours, une telle connexion entre combustion, architecture et spectacle prend une dimension nouvelle. Le rendement environnemental des édifices a évolué en un spectacle contemporain, où règlements et récits de durabilité exigent le feu des projecteurs. De plus en plus, les formes architecturales mettent en scène les concepts et matériaux écoresponsables, transformant le processus conceptuel en représentation visuelle de la conscience environnementale.

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