Allègement et Développement

Une exposition virtuelle pour notre carbone présent

Ce texte continue une exposition virtuelle des participants au séminaire 2022 Outils d’aujourd’hui : Carbone présent, qui sélectionne et relit des objets de la collection du CCA en fonction de divers thèmes liés à la manière dont le carbone façonne notre environnement bâti et nos modes de vie actuels.

Allègement

Arièle Dionne-Krosnick, Iva Resetar, Christian Saavedra

Comment l’urbanisation – en particulier la transformation d’environnements pour répondre aux besoins des humains en matière de confort et de loisirs – canalise-t-elle et redistribue-t-elle l’accès aux éléments naturels comme la végétation, l’eau et l’air? Et comment les pratiques conceptuelles reconstruisent-elles ou remplacent-elles alors ces aspects « manquants » de la nature dans l’environnement bâti?

Ce regroupement thématique d’objets traite de la façon dont le design procure le confort selon des moyens qui exacerbent paradoxalement la production de carbone. Les modes de réorganisation de l’accès aux ressources en vue du bien-être humain fonctionnent de manière diffuse et à des échelles multiples : des technologies comme la climatisation pour améliorer le confort physique et des infrastructures telles les piscines dans des habitations de banlieue et des complexes de vacances, jusqu’à des paysages récréatifs dans des systèmes urbains postindustriels. Les pratiques d’allègement et de minimisation de l’inconfort, tout en fournissant des espaces pour les loisirs et une vie plus écologique, et souvent étayées par des propositions éthiques visant à remédier aux aspects négatifs de la vie urbaine, proposent notre repli – et, jusqu’à un certain point, notre isolement – de la sphère publique. Cependant, les effets cumulatifs de micro-environnements contrôlés, surtout leurs émissions de carbone, ont des répercussions plus sérieuses sur l’utilisation et l’expérience collectives.

Larry Sultan. Untitled de la série Pictures from Home, (Dad looking into empty pool), 1991. PH1998:0058, CCA © Succession de Larry Sultan

Associant photographies documentaires et mises en scène, Larry Sultan prenait souvent des images de la vie familiale des banlieues. Un homme torse nu se tient au-dessus d’une piscine creusée vide, tandis que des arroseurs et des palmiers parsèment la pelouse d’un vert clinquant derrière lui. Ce n’est que l’une des dix millions de piscines résidentielles marquant le paysage américain : un maillon de ce marché mondial, une industrie d’un milliard de dollars dont la croissance est appelée à continuer. La fabrication, le transport et l’installation de piscines et de leurs composantes produisent indirectement des émissions de CO2. La Californie, aux prises avec une augmentation des températures extrêmes provoquée par les changements climatiques, a connu des niveaux de sécheresse historiques : les propriétaires de piscine qui l’habitent sont régulièrement avertis de limiter le gaspillage d’eau et réduire l’empreinte carbone de leur bassin. Dans la photographie de Sultan, le ciel dégagé de Palm Springs et quelques palmiers veillent sur un paysage transformé par la main de l’homme, la piscine étant prise entre des désirs concurrents de soulagement par la fraîcheur de l’eau et de minimisation du réchauffement de la planète.

Julius Shulman, Vue partielle de la façade, du parking et de la piscine de l’hôtel Beverly Hilton, Beverly Hills, Californie, É-U (conçu par Welton Becket and Associates), 1952-1955. Tirage gélatino-argentique. PH1998:0080:003, CCA. Don de Elliott et Carolyn Mittler © J. Paul Getty Trust

L’hôtel Beverly Hilton, un classique du milieu du siècle dernier à Los Angeles, incarnait les idéaux de l’architecte Welton Becket en matière de « design total ». Le bâtiment en béton à trois ailes, achevé en 1955, offrait toutes les commodités modernes, y compris des balcons privés séparés par des murs-rideaux en porcelaine émaillée, un service de voiturage personnel et une piscine – photographiée ici sous un angle vertigineux par Julius Shulman. De tels bassins sont devenus des caractéristiques prisées dans les hôtels des années 1930; le Beverly Hilton, dont la clientèle comprenait des vedettes de cinéma et des hommes politiques, ne faisait pas exception : la nageuse et actrice américaine Esther Williams, surnommée la « sirène à un million de dollars », a même baptisé la piscine de l’hôtel. Il est cependant nécessaire de préciser que, malgré le confort et les plaisirs qu’ils génèrent, les hébergements qui offrent des services modernes tendent à produire les plus importantes émissions de carbone, équipés qu’ils sont de systèmes énergivores, comme les chauffe-eau pour les douches, piscines et spas.

Les méthodes visant à alléger et minimiser les impacts indésirables du carbone présent sont liées à des conventions sociales quotidiennes. La notion de « substituabilité » joue ici un rôle central : les grands équipements de loisirs, souvent conçus comme des espaces verts compensatoires en milieu urbain, peuvent être considérés comme un engagement public en faveur de modes de gestion des ressources naturelles plus durables et plus collectifs. Néanmoins, comme l’a souligné Jeff Wiltse, la « substituabilité » des éléments naturels tels que la verdure, l’eau et l’air dans les espaces bâtis risque de redistribuer l’accès à ces éléments de la sphère publique à la sphère privée; par exemple, dans les années 1990, « [d]es millions d’Américains ont abandonné les piscines publiques précisément parce qu’ils préféraient pratiquer leurs activités récréatives au sein de communautés plus petites et plus sélectives sur le plan social1». De même, le conditionnement ambiant, en tant que mécanisme de contrôle dde l’environnement, d’abord industriel, puis domestique, peut chauffer, refroidir et purifier l’air « en appuyant sur un bouton », remplaçant en fait le climat d’un bâtiment en déplaçant ses émissions à l’extérieur. Écrivant sur le caractère commun de l’air respiré, Luce Irigaray rappelle la tension éthique d’une telle redistribution de ce dernier : « Si respirer m’éloigne de l’autre, ce geste signifie également un partage avec le monde qui m’entoure et la communauté qui l’habite. […] Je peux respirer par moi-même, mais l’air ne sera jamais tout simplement mien » – l’impact carbone de telles technologies est intrinsèquement une préoccupation collective, même si on gère ainsi le climat dans des lieux déconnectés2.


  1. [Notre traduction] Jeff Wiltse, Contested Waters: A Social History of Swimming Pools in America, Chapel Hill, University of Minnesota Press, 2007. 

  2. [Notre traduction] Luce Irigaray, « From The Forgetting of Air to To Be Two », dans Feminist Interpretations of Martin Heidegger, dir. Nancy J. Holland et Patricia J. Huntington. University Park, Pennsylvania State University Press, 2001.  

Joe Deal, Jardin clôturé avec piscine, lotissement en contrebas, Diamond Bar, Californie, É-U, 1980. Tirage gélatino-argentique. PH1985:0198, CCA © Succession de Joe Deal

Une piscine de forme libre est située dans la cour arrière clôturée d’un lotissement de banlieue en Californie, alors que des chaises vides occupent la terrasse qui tient à distance la pelouse clairsemée. Dans une rupture radicale d’avec la tradition de la photographie de paysage romantique, Joe Deal a choisi de représenter des scènes fondamentalement modifiées par l’action humaine. L’eau limpide traduit la présence d’habitants invisibles qui travaillent dur – aidés par des produits chimiques et des machines – pour entretenir la propreté de la piscine. La prospérité de l’après-guerre a accéléré la diffusion des piscines privées résidentielles aux États-Unis, tout comme les tablettes de chlore faciles à utiliser pour l’assainissement de l’eau et les progrès en matière de filtration. Pourtant, cette vue cache l’importante infrastructure de barrages, canaux et pompes nécessaire à l’extraction de l’eau et à son transport pour consommation domestique. La fabrication et l’usage de produits chimiques comme le chlore affectent également les écosystèmes par leurs émissions dans l’atmosphère et la dégradation des sols à proximité. L’eau de piscine chlorée, drainée dans des étangs, des lacs ou des rivières, nuit aux poissons et aux autres formes de vie aquatique. Cette eau polluée est alors inévitablement filtrée à nouveau pour consommation, perpétuant un cercle vicieux d’intervention humaine.

Les exemples sélectionnés, qui couvrent les époques moderne, d’après-guerre et contemporaine, illustrent les préoccupations éthiques et les frictions liées à la gestion et à la propriété des éléments naturels, ainsi que le remodelage des frontières entre le privé et le public dans le présent du carbone.

Foreign Office Architects (FOA). Dessins pour South East Coastal Park and Auditorium, Barcelona, Spain (2000-2004). ARCH402121_006, Foreign Office Architects fonds, CCA © Farshid Moussavi et Alejandro Zaera-Polo

Le parc côtier et l’auditorium faisaient partie des projets de rénovation urbaine proposés pour la ville de Barcelone, considérant le rôle de cette dernière comme hôtesse du Forum universel des cultures en 2004. Le parc a été conçu par Foreign Office Architects (FOA) pour offrir des espaces récréatifs, deux auditoriums en plein air et l’accès à une végétation naturelle. Avec le temps, il est devenu un lieu collectif accueillant des événements musicaux. Comme le montre la photographie, le parc est situé dans une zone de terrain gagné sur la mer, au bord de l’eau. La topographie du projet constitue une alternative aux formes traditionnelles, rationnelles et organiques du paysage, évoquant l’imagerie d’une dune avec des rampes, des pentes et une végétation plantée qui protège les visiteurs du vent, tout en ouvrant une vue sur la mer.

La production de carbone de tels parcs urbains récréatifs et côtiers, importante et souvent invisible, est emblématique d’un problème plus intrusif actuellement rencontré en matière de développement durable. Bien que les idées et les projets de consolidation de zones côtières dans des espaces publics partent de bonnes intentions pour améliorer les environnements urbains et leurs communautés, leur conception engendre des modifications majeures de milieux naturels existants, une consommation significative de ressources et de hauts niveaux d’émissions de carbone. Un grand nombre de ces opérations de renouvellement sont encore financés et menés par les intérêts économiques d’intervenants tournés vers l’international et peu respectueux des contextes locaux.

Développement

Asya Ece Uzmay, Maria Rius Ruiz, Putrikinasih R. Santoso

De la fin de la période moderne à l’époque contemporaine, nous avons pratiqué des interventions considérables dans les environnements naturels et bâtis. Elles vont de l’exploitation pétrolière aux transformations de paysage – comme l’excavation de tunnels et la création d’îles artificielles – en passant par l’industrialisation et le développement d’infrastructures favorisant le transport et la fabrication de marchandises à l’échelle mondiale. Les objets présentés dans ce dossier thématique portent sur la façon dont les humains ont consommé avidement les ressources au cours du siècle écoulé au point d’avoir substantiellement – et parfois, de manière irrémédiable – transformé et altéré notre planète.

Richard Arless Associates, Vue de camions-benne chargés, Expo 67, Montréal, Québec, vers 1963-1964, tirage gelatino-argentique ARCH255766, CCA. Don de May Cutler © Richard Arless Associates

L’Expo 67 à Montréal va mettre en évidence les bouleversements de la planète et les transformations subies par l’architecture dans une perspective anthropocentrique. Le thème choisi pour cette exposition universelle, « Terre des Hommes », évoque des projets à finalité humaine et vante des technologies et innovations qui, au nom du progrès, ne tiennent souvent aucun compte de la consommation des ressources, de la pollution, de la production de déchets et des impacts sur les autres espèces générés par le développement d’un monde à usage avant tout anthropique. L’architecture paysagère d’Expo 67 illustre bien la tension à l’œuvre dans la transformation de la nature à l’avantage de l’humain : l’île Sainte-Hélène existante est agrandie et l’île Notre-Dame construite artificiellement grâce à 15 millions de tonnes de roches excavées durant la construction du métro souterrain de Montréal en 1965.

À la même époque, des initiatives de transformation monumentale accompagnent les grands projets de « développement » de l’après-guerre. Nouveau paradigme adopté pour stabiliser l’économie mondiale suite au conflit, le « développement » crée et encourage des relations de pouvoir asymétriques entre ce que l’on appelle alors les pays « avancés » et ceux du « tiers-monde ». Pendant presque huit décennies, les premiers vont se servir du « développement » comme d’un terme générique pour rationaliser l’industrialisation dans les seconds. Ce processus colle aux intérêts et priorités de l’économie mondialisée, dans laquelle la production et la consommation de biens et services n’ont plus réellement d’ancrage local. Employé pour justifier certains dogmes de la transformation planétaire, le développement engendre des inquiétudes de plus en plus pressantes quant à la consommation des ressources et à leur raréfaction à l’échelle régionale.

“One hundred thousand sun-seekers gathered in Coney Island beach, New York in 1945” [photographie originale de 1940], Zeit Magazine, No. 31 (26 juillet 1974): 4–5. CD037.S4.022/ARCH288489, Collection Georg Lippsmeier, CCA. Don de African Architecture Matters © Zeitverlag Gerd Bucerius GmbH & Co. KG. Photo: © Weegee / International Center of Photography

À l’été 1974, Zeit Magazin s’interroge quant à l’impact qu’aura l’industrialisation de ce que l’on nomme le « tiers-monde », laquelle compromet souvent, directement ou indirectement, les ressources, sur la viabilité des villes en développement. Insistant sur la surpopulation mondiale et l’expansion industrielle des pays émergents, cet article compare les phénomènes d’urbanisation entre des villes « hautement modernes » (New York et Tokyo) et celles des pays dits « pauvres » (Kolkata, Bandung et Lagos, entre autres). Il souligne à quel point un programme de planification familiale et une stratégie de préservation des ressources sont essentiels pour assurer un avenir pérenne à ces dernières. L’article témoigne ainsi d’une prise de conscience nouvelle, en particulier en Amérique du Nord et en Europe dans le sillage de la crise pétrolière des années 1970, des répercussions et déséquilibres générés par la production et la consommation de ressources à l’échelle mondiale.

Dans ce contexte de préoccupations naissantes quant à la disponibilité des ressources naturelles et à leur usage dans les années 1960 et 1970, des architectes et urbanistes comme Doxiadis, Buckminster Fuller et Van Ginkel Associates voient dans le design un moyen d’optimiser l’emploi des matériaux et de créer des systèmes de construction et de subsistance plus efficaces et durables. Leur vision est celle d’une architecture qui adopterait une perspective planétaire, plaçant la Terre au centre de la pensée et de la pratique conceptuelles. Une telle transformation, d’une optique anthropocentrique à une approche globale en architecture, va se matérialiser sous des aspects divers. Fuller, par exemple, croit que la survie humaine passe par notre capacité à orienter le design vers une prise en compte de l’interdépendance entre tous les systèmes vivants et des conséquences à long terme de nos actions. En matière de planification nationale et régionale, cette vision planétaire va se refléter dans des efforts visant à délaisser un point de vue purement économique pour lui substituer un modèle de développement humaniste s’appuyant sur diverses formes d’expertise et tenant compte des contextes locaux.

Photographe inconnu, Vue aérienne du pavillon des États-Unis, Expo 67, Montréal, Québec, 1967. Tirage gélatino-argentique. ARCH250438, CCA. Don de May Cutler

Si les perspectives anthropocentriques dominent en architecture à l’époque d’Expo 67, Buckminster Fuller voit dans le design une science susceptible de maximiser l’utilisation des ressources et de créer des systèmes plus efficaces et durables – une science où nature et technologie convergent. Dans son livre Spaceship Earth, Fuller argumente que pour assurer la survie et le bien-être de l’humanité, il nous faut apprendre à réfléchir et agir de façon plus systémique, intégrée et prospective. Ces idées ressortent dans son concept pour la Biosphère, un dôme géodésique accueillant le pavillon des É.-U. pour Expo 67. Fuller invente ce dôme au fil de ses recherches pour créer une structure légère, solide et efficiente couvrant la superficie la plus importante possible avec la meilleure économie de matériaux et offrant une grande polyvalence. Il envisage également les dômes géodésiques comme une solution à nombre des problématiques mondiales, du manque de logements à la détérioration de l’environnement, et est persuadé qu’ils concourraient à l’édification de systèmes plus viables pour l’habitation humaine. Entre les années 1950 et les années 1980, deux cent mille de ces dômes vont être construits à travers le monde. Avec un diamètre de 76 mètres, celui de Montréal, maintenant connu sous le nom de Biosphère, abrite présentement une exposition interactive sur l’environnement durant l’Expo 67.

Van Ginkel Associates, “A National Future Profile of Indonesia as Related to Transmigration Objectives submitted December 1972”, 1972, proposition. ARCH259614, CCA © CCA

Schéma de principe d’un modèle de planification proposé par Van Ginkel Associates (VGA) illustrant les méthodologies pour élaborer le profil national d’avenir (NFP, de son acronyme anglais), un plan de développement économique à long terme sur 25 ans bâti selon une modélisation axée sur les systèmes et associant des experts interdisciplinaires.

Entre 1971 et 1973, VGA démarche le gouvernement indonésien en vue de lui soumettre sa propre proposition de profil national d’avenir (NFP). Le document vise à dégager des objectifs de développement généraux fondés sur les besoins humains plutôt que sur des impératifs exclusivement économiques. La préparation de la proposition, financée par le Programme de développement des marchés d’exportation (PDME) du Canada, coûte 11 355 CAD. Compte tenu du caractère limité des connaissances quant aux traditions de planification et dynamiques politico-économiques de l’Indonésie, la démarche de recherche dans le cadre du PDME va se matérialiser par trois déplacements de Montréal à Jakarta, plus de deux cents pages de correspondance avec un réseau d’experts et de représentants gouvernementaux, ainsi que quatre ébauches de projet. La proposition finale porte quasi exclusivement sur le programme transmigratoire des autorités indonésiennes pour faire face aux problèmes de surpopulation à Java. Malgré les recherches poussées effectuées par VGA, le gouvernement indonésien finira par rejeter la proposition. Ses réticences découlent principalement du manque de précision et d’applicabilité immédiate des solutions soumises, ainsi que de doutes concernant les qualifications de VGA pour intervenir hors du contexte nord-américain

En même temps, le transfert d’expertise en matière d’énergies fossiles entre « pays développés » et « pays en développement » permet aux autorités politiques d’établir et de catégoriser des niveaux de développement industriel. En particulier, l’importation de technologies de climatisation va inciter fortement à imposer des normes mondiales de confort et d’efficacité dans des contextes régionaux.

Dritte Welt im Schaubild, Evangelisches Missionswerk in Südwestdeutschland. ARCH288490, Collection Georg Lippsmeier, CCA.

« Développement, je t’apporte ce dont tu as besoin! » Conservée dans les « diapositives de référence » du fonds Georg Lippsmeier et Institut für Tropenbau au CCA, cette image montre un personnage anonyme, fort probablement un expert allemand, proposant des technologies basées sur le carbone aux populations des nouveaux États d’Afrique. Usines, centrales électriques, avions, voitures et bateaux – tous estampillés « Produits allemands » – donnent une idée du rôle joué par l’importation de technologies à base de combustibles fossiles dans le développement des régions en émergence. Ces technologies de progrès industriel vont bouleverser à tout jamais les environnements naturel et bâti des pays en développement partout sur la planète.

Couverture de Overseas Building Notes, No. 147 (décembre 1972). W.O8262, CCA.

Overseas Building Notes (anciennement Colonial Building Notes), publié par le Building Research Establishment au R.-U., est une revue destinée à guider les architectes, urbanistes, ingénieurs et bâtisseurs dont la pratique s’exerce surtout à l’extérieur des régions « développées ». Sur la couverture d’un numéro de 1974, « Building for Comfort », les rédacteurs plaident pour la mise en œuvre de stratégies locales, décarbonées pour la construction sous « climats chauds », par exemple l’emploi de teintes naturelles, de toits en chaume ou de briques de terre. Dans la revue elle-même, néanmoins, on conseille de prioriser le recours à la « technologie moderne » lorsque possible. Ce contraste entre les deux approches de la conception pour le confort montre tout le poids des technologies fossiles dans la production architecturale, alors que leurs alternatives sont souvent idéalisées comme des outils intemporels, quoique plus rudimentaires.

Alors que les politiques et stratégies de développement font la part belle au transfert de technologies au carbone, les publications architecturales présentent rarement des formes architecturales réalisées sans celles-ci. Dans les rares exemples qui évoquent les technologies décarbonées pour la construction, ces projets sont décrits dans un langage ambigu et indéfini, comme « Le bâtisseur sous climats chauds ». En d’autres termes, la priorisation des techniques fossiles sur les non-fossiles produit des hiérarchies de savoir et d’expertise distinctes dans le discours architectural.

Les pratiques contemporaines de développement reposent sur une ingénierie à forte intensité carbone pour apporter des altérations extrêmes au territoire, entraînant ainsi une grande consommation de ressources et des niveaux d’émissions élevés. Dans ce contexte, le carbone est présent dans des matériaux produits et utilisés universellement (pétrole brut, plastique, fibre de verre, etc.) et comme empreinte écologique des processus de construction (transport, excavation, transformation). Sous la rubrique toujours bien fournie du développement mondial, les pratiques conceptuelles qui font un usage massif de cet élément mettent en relief un décalage fondamental entre les agendas mondiaux et les intérêts locaux. Ces méthodes ont contribué aux transformations spatiales et physiques de la Terre et ont perpétué une perception homogénéisée de l’environnement et de notre action face aux problématiques géographiques et climatiques. Elles ont fragilisé des savoir-faire locaux bien ancrés pour imposer des solutions standardisées, manufacturées, lesquelles, à leur tour, alimentent une extraction et une consommation sans fin.

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