En 1960, le Nigeria post-indépendant a connu un changement significatif dans son environnement architectural. L’architecte en chef Michael Olutusen Onafowokan, le premier architecte du Nigeria, était au cœur de ce changement. Né un dimanche tranquille de 1912, dans le centre d’Ikorodu, Onafowokan est passé des rues poussiéreuses de Lagos au statut notoire d’inspirateur des jeunes générations, preuve de sa volonté inébranlable et de la puissance de ses créations qui ont su exprimer une identité postcoloniale.

Après avoir fréquenté l’école technique du département des travaux publics de Lagos de 1933 à 1937 – une période de remise en question des conventions coloniales dominantes –, Onafowokan a travaillé en tant qu’agent technique junior dans de nombreuses régions du Nigeria et du Cameroun avant de s’installer en Écosse en 1946 pour poursuivre ses études au Royal Technical College et à l’université de Glasgow.

De retour au Nigeria en 1953, Onafowokan a commencé à travailler comme responsable de l’urbanisme dans l’ancienne Région occidentale. Ses connaissances et son expérience ont laissé une impression durable lorsqu’il est passé par les départements du ministère des Transports et du ministère des Terres et du Logement à Ibadan. Après avoir pris sa retraite en tant qu’architecte en chef régional en 1968, il a ouvert son propre cabinet sous le nom d’Onafowokan Cityscape Group. La volonté et la force d’âme d’Onafowokan Michael Olutusen transparaissent dans les nombreux bâtiments qu’il a conçus et qui existent encore aujourd’hui, notamment le premier gratte-ciel d’Afrique de l’Ouest, la Cocoa House à Ibadan, ainsi que plusieurs églises et hôpitaux à Lagos.

Les influences architecturales occidentales se sont introduites au Nigeria par le biais des bâtiments et infrastructures coloniaux conçus et construits par les architectes et les ingénieurs qui faisaient partie de l’administration coloniale. L’intérêt d’Onafowokan pour l’architecture est né de l’étude de ces bâtiments, mais aussi de son intérêt pour les modèles vestimentaires des dirigeants coloniaux, avec leurs ajustements précis et leurs lignes droites. Les vêtements sont devenus la porte d’entrée d’un monde esthétique axé sur l’aspect pratique et lié au savoir-faire technologique, à l’administration et au gouvernement. Cette facette apparemment sans importance de la vie coloniale a fortement incité Onafowokan à se consacrer à l’architecture tout au long de sa vie.

La détermination avec laquelle Onafowokan, figure de proue du remodelage du paysage physique du Nigeria occidental, a développé une philosophie de conception du modernisme tropical constitue une contribution essentielle à l’environnement bâti nigérian et à l’identité postcoloniale. Après sa libération de la colonisation britannique, le gouvernement du pays s’est efforcé de développer une société plus indépendante, ce qui impliquait de reconsidérer le paysage bâti en le débarrassant de ses composantes coloniales. Au début des années 1950, grâce à la découverte de son pétrole, le Nigeria entrait dans une nouvelle ère où il disposait désormais des ressources et de l’énergie économique nécessaires pour se développer en tant que nation. La philosophie de conception d’Onafowokan continue d’influencer la façon dont les gens interagissent avec leur environnement bâti. Subsiste en particulier son utilisation d’éléments paysagers tels que les vérandas – des balcons qui favorisent la détente des utilisateurs tout en leur permettant d’établir un lien plus étroit avec l’environnement – qui ont joué un rôle crucial dans le développement d’un style postcolonial dont l’impact perdure aujourd’hui. Cette philosophie s’illustre clairement dans la conception de l’église méthodiste Patriarch Bolaji, ainsi que dans celle de l’hôpital général d’Ikeja et des nombreuses écoles situées dans toute la région de l’Ouest. L’héritage d’Onafowokan est un hommage au métissage des styles modernes et traditionnels, ainsi qu’au climat et à la culture de la région.

L’église méthodiste Patriarch Bolaji d’Ita-Elewa, à Ikorodu, conjugue des éléments architecturaux modernes avec l’environnement et le climat uniques de l’ouest du Nigeria, tout en incarnant une fusion époustouflante d’imagination, de passion et de familiarité avec le paysage et les traditions locales.

Saluée par son fils Ayokunle Onafowokan comme une œuvre d’art qui défie les conventions établies de l’architecture, la capacité d’Onafowokan à travailler avec des formes, des arrangements et des matériaux inhabituels a produit une structure qui est devenue l’emblème de sa nature inventive.

L’église présente deux bras qui rayonnent à partir du bâtiment central et ressemblent aux ailes d’un papillon. Utilisés comme extensions pour l’accueil des différents événements de l’église, ils procurent abri et ombre, et favorisent un sentiment de camaraderie parmi les membres. Mais la particularité géométrique la plus remarquable de l’édifice est son plancher à trois cercles concentriques, un élément à forte valeur spirituelle et symbolique dans son contexte culturel, qui offre en même temps une interprétation de la Sainte Trinité chrétienne.

À l’instar de nombreuses autres régions du Nigeria, Ikorodu se caractérise par un fort sentiment d’appartenance à la communauté et à la spiritualité, ainsi que par un riche héritage culturel. Si, dans le christianisme, le chiffre trois représente l’harmonie et la plénitude, il a également une forte signification culturelle et spirituelle dans la culture yoruba, très répandue à Ikorodu. Les trois cercles concentriques sont utilisés dans la conception de l’église pour représenter visuellement la continuité et l’unité. Dans un environnement culturel où l’art et le symbolisme sont étroitement liés, ces manifestations architecturales peuvent avoir un effet significatif sur le milieu environnant. L’église passe ainsi du statut de lieu de culte à celui d’icône culturelle en fusionnant les significations religieuses et culturelles. Elle vient illustrer la manière dont la culture locale peut être célébrée et préservée dans le cadre d’une architecture moderne.

L’attention méticuleuse portée aux détails par Onafowokan était un aspect déterminant de son approche architecturale, évident dans toutes les facettes de son travail, des éléments structurels à la conception de meubles complexes. En même temps, ses fils Dr Ajose Oluwasesan Onafowokan et Arc. Onafowokan Ayokunle (FNIA) travaillaient pour lui, et cette rigueur s’est maintenue à travers la supervision attentive du personnel pendant le processus de documentation. Dans l’église méthodiste Patriarch Bolaji, le souci du détail s’est étendu à la conception des bancs, de la chaire et des chaises du clergé. À cause de l’importance accordée à la qualité de l’exécution, chaque détail a été exécuté avec précision.

L’attention portée au détail par Onafowokan s’applique tout autant à son approche de l’intérieur de l’église. La conception architecturale du lieu intègre habilement le mouvement de la foule, la visibilité de la chaire et la hiérarchie visuelle de l’espace. Il a accordé une attention toute particulière à l’agencement de l’espace, assurant une disposition spatiale optimale pour la visibilité et l’engagement des congrégations. L’intérieur de l’église n’était pas qu’un simple espace; il s’agissait d’une conception soigneusement orchestrée, faisant appel à des éléments architecturaux qui procurent l’excellence acoustique et permettent une expérience spirituelle immersive.

La philosophie architecturale d’Onafowokan, conforme aux idées modernistes de l’époque, ne se limitait pas à la grandeur du bâtiment, mais s’étendait à tous ses détails – les éléments étant tous conçus comme des parties intégrantes de la narration architecturale.

L’héritage du modernisme tropical est visible dans la plupart des conceptions de bâtiments des années 1980 à aujourd’hui. Malgré les changements dans les matériaux, les principes de conception adoptés pour la majeure partie de la production architecturale s’inspirent toujours du modernisme tropical. C’est vers ses principes de conception que se tourne plus que jamais l’architecture nigériane contemporaine, guidée par les préoccupations liées à l’impact du changement climatique. L’hôpital général d’Ikeja et d’Ikorodu illustre parfaitement la manière dont Onafowokan a utilisé les concepts architecturaux contemporains pour concevoir des infrastructures de soins de santé esthétiques, pratiques et adaptées au climat, qui tiennent compte des considérations climatiques et culturelles locales. L’architecture de l’hôpital adhère aux idées du modernisme tropical en incluant des caractéristiques telles que la ventilation naturelle, l’ombre et l’utilisation de matériaux régionaux. Non seulement ces aménagements améliorent l’efficacité opérationnelle de l’hôpital, mais ils favorisent aussi l’instauration d’une atmosphère confortable et réparatrice, tant pour les patients que pour le personnel médical.

La conception de l’hôpital général intègre harmonieusement des éléments architecturaux modernes au climat et à l’environnement tropicaux de la région. Cette approche architecturale donne la priorité au confort et au bien-être des patients et du personnel, tout en favorisant la durabilité et la fonctionnalité. Dans cette conception, la ventilation naturelle joue un rôle clé, en utilisant des fenêtres, des persiennes et des puits de ventilation stratégiquement positionnés pour assurer la circulation de l’air frais et réduire la dépendance à l’égard des systèmes de ventilation mécanique. L’ombrage et les surplombs, tels que les auvents prolongés et les dispositifs d’ombrage, protègent l’hôpital de la chaleur intense du soleil, créant des zones extérieures ombragées et minimisant le besoin de systèmes de refroidissement à forte consommation d’énergie. Judicieusement insérés dans l’aménagement, les cours et les espaces ouverts offrent des zones polyvalentes pour la détente, les loisirs et l’attente, améliorant ainsi le confort général et l’esthétique de l’hôpital.

Le recours à des matériaux locaux vise à soutenir la durabilité et l’économie régionale, tout en veillant à ce qu’ils soient bien adaptés au contexte local. Le lien avec la nature s’instaure grâce à l’inclusion de jardins, d’espaces verts et de vues sur l’environnement naturel, créant ainsi une atmosphère thérapeutique qui favorise le bien-être et le rétablissement des patients. L’agencement très fonctionnel, doublé d’une bonne organisation des services, des couloirs et des chambres de l’hôpital, garantit une navigation efficace pour les patients et le personnel médical. La conception est conforme aux normes et réglementations en matière de soins de santé et tient compte de facteurs essentiels tels que le contrôle des infections, l’accessibilité et la mise à disposition de zones spécialisées pour l’équipement médical.