Le chercheur en résidence Łukasz Stanek, présente sa première conférence publique sur son livre Henri Lefebvre on Space: Architecture, Urban Research, and the Production of Theory (2011). Celui-ci met en perspective une vue d’ensemble conceptuelle de la théorie de Lefebvre et deux de ses sources largement oubliées : les engagements du sociologue dans la recherche à propos des pratiques d’habitation dans la France d’après-guerre d’une part, et d’autre part, ses échanges avec des architectes et urbanistes dans les années 1960 et 1970.

La théorie de production de l’espace d’Henri Lefebvre est formulée entre 1968 (Le droit à la ville) et 1974 (La production de l’espace), à la croisée de sa réflexion critique sur la condition générale de modernité, ses recherches sur les processus d’urbanisation et sa vision des espaces urbains pour une société en mutation. Réagissant aux processus d’urbanisation rapide au sein de la « société bureaucratique de consommation dirigée » d’après-guerre, Lefebvre identifie des tendances émergentes qui, à divers titres, vont définir les modalités de l’urbanisation à l’échelle du monde jusqu’à nos jours.

La théorie de Lefebvre tire sa source des études empiriques qu’il mène et dirige dans plusieurs institutions françaises. Parmi celles-ci, citons les études sur les collectivités pyrénéennes au cours de la Seconde Guerre mondiale, ses recherches en sociologie rurale et urbaine au Centre d’études sociologiques des années 1940 jusqu’au début des années 1960, les projets de recherche interdisciplinaire qu’il conduit en tant que professeur de sociologie à Strasbourg (1961−1965) et Nanterre (1965−1973), ainsi que les études sur les pratiques d’habitation réalisées par l’Institut de sociologie urbaine que Lefebvre cofonde en 1962 et qu’il préside jusqu’en 1973.

D’égale importance sont ses contributions à la culture architecturale durant la période de transition entre la mort de Le Corbusier (1965) et l’émergence de l’architecture “urbaine” en France au milieu des années 1970 : une époque où fleurissent divers courants qui soit se réclament de l’héritage de l’avant-garde architecturale, soit se positionnent au-delà ou carrément en réaction. La contribution de Lefebvre à ces débats passionnés prend notamment la forme de critiques de plusieurs plans d’urbanisme fonctionnalistes et d’interprétations de projets d’architectes aussi variés qu’Émile Aillaud, Ricardo Bofill, Constant Nieuwenhuys et Jean Renaudie. Réfractaire à une bonne partie du discours marxiste de l’époque, Lefebvre place la compétence disciplinaire architecturale dans la recherche sur des avenirs possibles pour une société dépassant le fordisme.

Łukasz Stanek est diplômé en architecture et philosophie, après des études à Cracovie, Weimar, Münster et Zurich. Une fois obtenu son doctorat de la Delft University of Technology, il bénéficie d’une bourse à l’Institut d’Urbanisme de Paris et à la Jan van Eyck Academie de Maastricht. Il est actuellement affilié à la Faculté d’architecture de l’Institut fédéral suisse de technologie (ETH) de Zurich. En 2008 et 2009, il organise deux conférences internationales sur la théorie d’Henri Lefebvre, la recherche urbaine et le design urbain. Il est cofondateur et rédacteur en chef du premier numéro de Footprint. Il est l’auteur d’Henri Lefebvre on Space: Architecture, Urban Research, and the Production of Theory (2011) et de plusieurs articles dans des livres et revues, dont Log, hunch et Haecceity*. En 2010, il organise l’exposition PRL™ Export Architecture and Urbanism from Socialist Poland au Musée d’art moderne de Varsovie. Il vient de se voir attribuer la bourse postdoctorale A. W. Mellon 2011-2013 au Center for Advanced Studies in Visual Arts (CASVA) à la National Gallery à Washington.

Łukasz Stanek était chercheur en résidence au CCA en 2011.