Le chercheur en résidence Jean Attali présente sa recherche.

Elargir notre vision des villes aux dimensions de “l’espace-monde”, en tentant d’en saisir les enjeux théoriques. Dans l’esprit d’un séminaire de recherche, je décrirai une méthode de travail dont les principales étapes visent à esquisser les prolégomènes d’une telle philosophie urbaine:

Asseoir notre connaissance des villes sur des quantités, celles de la démographie urbaine.

Localiser les villes : nombre d’entre elles, et parmi les plus importantes, nous sont quasiment inconnues ; donner sens à cet impératif de la géographie (la localisation) ; montrer comment la carte fait apparaître les fronts mouvants de la croissance urbaine, sa “vague d’avancée”.

Sélectionner les thèmes qui permettent de structurer l’interprétation des plans de villes. On n’interprète pas de la même manière le plan d’une ville asiatique, américaine, européenne. Les plans sont des œuvres, comme les villes elles-mêmes : mais en quel sens? C’est la question qui doit être instruite, dès lors qu’on ne cède pas à l’idée confuse de l’uniformisation du paysage urbanisé mondial.

Renouveler les concepts, au prix du suspens ou de la neutralisation des catégories héritées de l’histoire moderne. Les lexiques urbains, les glossaires qui tentent de les structurer sont de bons indices de la situation culturelle à l’intérieur de laquelle nous prenons conscience des mutations urbaines.

Aborder finalement la question de la forme des villes, question inéluctable dès lors que l’on considère les villes du point de vue de l’architecture, voire de l’urbanisme. Mais considérer en même temps que rien de neuf ne peut être pensé au sujet des villes, sans prendre la mesure de leur “espace élargi”. Car la forme urbaine ne rend pas seulement visible l’identité de villes qu’un moment de leur histoire leur a permis de façonner, elle se conjugue aussi au futur et se projette dans une vision du possible que seul détermine en profondeur le rapport de chaque ville à toutes les autres.

Jean Attali, agrégé de philosophie, docteur en philosophie (Université Paris I), MA en architecture (University of East London), est enseignant titulaire à l’Ecole nationale supérieure d’architecture Paris-Malaquais. Il a été associé à certains projets de Rem Koolhaas, notamment à l’occasion de l’exposition Mutations, en l’an 2000. Il a publié Le plan et le détail. Une philosophie de l’architecture et de la ville (Nîmes, J. Chambon, 2001). Il achève actuellement un nouvel ouvrage, à paraître sous le titre : L’avant-pays. Essai sur la forme et l’horizon des villes (Presses Universitaires de Vincennes). Il prépare d’autre part une étude sur les figures d’énonciation de la pensée architecturale, à partir des œuvres d’Aldo Rossi, Peter Eisenman, Rem Koolhaas.

Jean Attali était chercheur en résidence au CCA en 2006.