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Thème

La 20e Charrette interuniversitaire invite les jeunes designers à explorer les futurs possibles des îles Sainte-Hélène et Notre-Dame. Cinquante ans après Expo 67, le big-bang d’espoirs, rêves et projets qui a réinventé les îles, l’archipel est en quête d’un imaginaire renouvelé, capable de reconnaître et d’activer son patrimoine, son potentiel et sa pertinence… un imaginaire qui puise dans la nostalgie pour ouvrir le chemin à de nouvelles modernités. Ce projet pose un regard rétrospectif 50 ans en arrière, vers l'esprit de Expo 67 et l'héritage des îles, afin d’inspirer un regard prospectif de 50 ans vers l’avant pour explorer les futurs possibles pour l'archipel.

Contexte

Il y 50 ans, le futur était pensable.  Montréal avait l’audace de penser grand, penser l’avenir et penser un monde nouveau.  Montréal avait des espoirs, des rêves, des convictions et des projets.  La ville plongeait dans la modernité avec un esprit d’euphorie, suivant les traces de métropoles comme New York.  Expo 67 était une manifestation claire de ce nouvel état d’esprit.  L’évènement aspirait à ouvrir la ville au monde, à en faire un point de rencontre international et à affirmer sa place dans la constellation de métropoles modernes.  Pour Expo 67, la ville a trouvé la liberté dans son archipel. Expo 67 a exposé 50 millions de visiteurs à la modernité et catalysé une nouvelle vague de design moderne au Québec. Au delà de l’optimisme étincelant de l’évènement, Expo 67 était une utopie pragmatique et un puissant outil stratégique pour induire la modernité.  

Néanmoins, plutôt que le début spectaculaire d’une passion durable entre Montréal et la modernité, Expo 67 s’est avérée être une simple aventure d'un soir. Orphelines de ce flirt, les îles ont décliné au cours des décennies qui ont suivies. Alors que l’optimisme des années 60 était éclipsé par le désenchantement et le cynisme croissants des années 70, la modernité et l’utopie étaient devenues suspicieuses.  Blâmés pour les excès perçus du modernisme, les architectes se sont retirés dans le rôle de simples techniciens du capital. L'architecture n’était plus considérée comme un mécanisme pertinent pour aborder des questions sociales et politiques importantes.  

Défi

Cinq décennies après Expo 67, l’archipel est en quête d’un imaginaire renouvelé, capable de reconnaître et d’activer son patrimoine, son potentiel et sa pertinence.

Les designers ont des capacités et des outils remarquables pour investiguer, penser et représenter divers imaginaires et futurs possibles. Projeté sur un horizon de cinquante ans, le projet permet aux étudiants de plonger dans une prospection du futur de l’archipel autour d’une série de questions et d’axes thématiques. La Charrette 2015 sollicite des scénarios imaginatifs, spéculatifs, critiques, stratégiques et pragmatiques pour l’avenir de l’archipel dans 50 ans. Nous visons des propositions de design architectural, urbain et paysager portées par la créativité, la clarté et la pertinence. Le type et l’étendue de l’intervention sont libres et variables, allant de stratégies globales à des projets tactiques ponctuels; du processus à la forme; du spéculatif au pragmatique; de l'abstrait au concret. Le site du projet est constitué des îles Sainte-Hélène et Notre-Dame dans leur contexte d’archipel montréalais.

Le but n’est pas de prédire ce que l'avenir va être, mais d'explorer ce que l'avenir pourrait être si nous suivons la logique de certaines considérations, hypothèses et scénarios. Cette exploration se fait par l’élaboration de scénarios de design. Chaque groupe va identifier les facteurs qu’il considère clés pour les scénarios du futur qu'il construit.

Cadre conceptuel

Utopie comme outil

Parfois la réalité est trop complexe. La fiction y donne la forme.
  - Jean-Luc Goddard

Une carte du monde qui ne contient pas l’Utopie ne mérite pas un seul coup d’oeil, car elle omet l’unique endroit que l’humanité redécouvre toujours. Le progrès c’est l’utopie réalisée.
  - Oscar Wilde


L'archipel est le canevas conceptuel et l'habitat naturel de l'utopie - un outil de réflexion en design capable de formuler des alternatives critiques au statu quo. Le renouveau de la pensée utopique réhabilite l’élan critique, social et politique qui a été le moteur du développement de l'architecture moderne. Cette réhabilitation vise à récupérer la liberté d’agir, à rétablir la pertinence de l’approche architecturale face aux questions sociales, politiques, économiques et environnementales importantes, et à favoriser la capacité de proposer une urbanité pour aujourd'hui et demain.

Défiant les prétentions naïves, déterministes et messianiques, ces nouvelles formes d'utopie cherchent la pertinence, la stratégie, l'agilité, la résilience et une bonne dose de pragmatisme. Ces explorations des imaginaires spéculatifs ont leur lot de risque car nous sommes constamment en porte-à-faux. Ce processus de recherche nous amènera inévitablement sur de nombreuses fausses pistes. Néanmoins, nous avons besoin de conceptions et de modèles positifs du monde de demain. Face au sentiment que l'avenir de notre planète et de nos villes nous échappe, l’exploration de pistes stratégiques prospectives est préférable à la politique de l'autruche. L'architecture est intrinsèquement une pratique d'optimisme critique et une fabrique de l'avenir.

Archipel comme modèle

L'archipel est le cadre idéal pour penser la fiction. Il est à la fois une condition territoriale qui décrit une réalité sous-exploitée des îles montréalaises et une métaphore fertile de la ville comme réseau distribué de noyaux urbains distincts. Cette métaphore décrit une constellation de mondes, d’objets et de conditions autonomes, à la fois radicalement différents et associés. L'archipel offre un modèle imagé de lecture urbaine, exploré notamment par O.M. Ungers et Koolhaas. Ce modèle trouve écho dans la métaphore biologique d’un ensemble de différents organes constituant un corps. Le rapport dynamique entre êtres vivants - l'essence même de l'écologie et de l'urbanité - positionne l'archipel comme le cadre idéal pour l'exploration de modèles écologiques et urbains.

Scénarios projectifs – ‘Et si…’

Quelques scénarios prototypiques ont été formulés ci-dessous pour illustrer les cadres conceptuels possibles et accompagner l’exploration du futur selon les pivots thématiques. Poussant leurs logiques respectives au bout, ces explorations spéculatives exacerbent et radicalisent les conditions, les espoirs et les tensions d'aujourd'hui et de demain. Elles proposent, examinent et amplifient les catalyseurs de changements. Elles orchestrent les dimensions dynamiques et passives tout au long du processus de cinq décennies séparant les mondes d'aujourd'hui et de demain.

Des excès d’esprit critique peuvent amener des inversions de scénarios vers des récits dystopiques explorant les horreurs que l'avenir nous réserve. Ceci a une valeur de thérapie-choc pour sensibiliser, susciter la polémique et révéler les contradictions, les paradoxes et les menaces.


[1/5] Vecteurs environnementaux

La crise environnementale est l’enjeu le plus significatif auquel l'humanité est confrontée. Les récits fatalistes semblent avoir peu d'impact – l’inertie et le statut quo dominent. Comme pratique d'optimisme, le design peut explorer et proposer des modèles positifs visant à rallier la société autour d'un projet collectif porteur et une vision enchantée de la planète et de l'avenir.

Et si nous prenons les îles comme canevas pour la recherche les scénarios de réussites écologiques? Au-delà des visions banales de la ‘nature’, comment pouvons-nous orchestrer des formes et des processus de la vie qui génèrent des habitats productifs durables pour les animaux et les plantes? Quelles seraient les synergies productives qui concilient les forces et les contradictions clés en jeu? Quelle est la place, le rôle et l'expérience de l'humain dans cet écosystème?

Ressources. Notre civilisation utilise et épuise les ressources terrestres à une vitesse bien au-delà des niveaux durables. Il y a un consensus que nous fonçons vers un mur, mais il y a peu de signes de changement structurel dans nos modes de vie et de consommation. Et si l’archipel était un laboratoire d’un mode de vie utilisant moins de ressources et une logique optimisée de (re)utilisation de ressources?

Déchets. Le résultat de la société de consommation est une société de déchets à tous les niveaux. Et si nous explorons un nouvel élan pour l'archipel dans les synergies entre les déchets et d'autres processus économiques, politiques, sociaux et environnementaux?

Entropie. Les éléments clés de la mythologie des îles sont laissés en ruines. Et si ce processus entropique de ruines était conceptualisé et exploré comme catalyseur pour de nouvelles formes d'écosystèmes et de nouvelles formes de sublime?

Eau. Montréal est une île et un archipel, mais ceci est presque un secret. On en est rarement conscientisé. L'eau est traitée comme un problème plutôt que comme une opportunité. Les bords de l'eau sont les écosystèmes les plus riches et parmi les situations urbaines les plus recherchées, mais l'archipel montréalais le célèbre peu. Et si le rapport à l'eau était radicalement amplifié pour informer la forme urbaine, l’écosystème et l'expérience de l'archipel?

Nourriture. Aucun modèle urbain n’est durable sans incorporer la nourriture. La nourriture affecte et synthétise tous les aspects de l'écologie, de l'eau et l'énergie aux transports et aux déchets. La nourriture est un trait culturel essentiel, un puissant lubrifiant social et un important moteur économique. Pourtant, peu de modèles urbains intègrent ou émanent du processus de production, de transformation et de consommation alimentaire. Et si la nourriture alimentait l'imaginaire de l'archipel et devenait catalyseur pour ses futurs possibles?


[2/5] Vecteurs socio-economiques

Outil. Que souhaitez-vous que Montréal devienne et comment l’archipel pourrait-il être un outil pour y cela?

Créativité. Montréal se veut une ‘ville créative’. Quelles sont les conditions de l'urbanité qui favorisent la classe créative, l’économie créative et la ville créative? Quels sont les ancrages, les lieux, les manifestations et les pratiques de la créativité dans la ville qui pourraient informer la logique et l'expérience d'un archipel créatif? Et si on déployait ces conditions sur notre archipel comme incubateur possible pour le modèle urbain de la «ville créative»? Et si la créativité et la ‘ville créative’ étaient complètement autre chose?

Spectacle. La réputation de Montréal comme ‘Fun City’ repose sur sa culture de spectacle et de permissivité. La revitalisation urbaine limite ce trait de Montréal et les îles sont de plus en plus convoitées par la culture du spectacle. Et si la logique du spectacle était suivie et exacerbée et si l’archipel devenait un lieu de spectacle total, non-stop?

Arts. Les restes de la symbiose de l'art et de la vie d’Expo 67 de flot sont dans tout l'archipel. Et si le patrimoine artistique d’Expo 67 est réhabilité, en revalorisant ce qui reste. Et si l’art devient un catalyseur pour la vie future de l'archipel?


[3/5] Vecteurs technologiques

Les paradigmes technologiques sont en constante évolution. Si l'avenir est numérique et basée sur l'information, comment penser la ville numérique (ou la ‘ville intelligente’) au niveau de l'archipel? Et si on envisageait la technologie comme un ensemble plus large des processus opérant dans l’anthroposcène? Et si les interprétations et les paradigmes de technologie informaient un modèle projectif de l'archipel? Est-ce que la crise écologique et l'avancement technologique pourraient partager le même avenir? Et si on explorait de nouvelles synergies et symbioses entre l'environnement, la technologie et l’humain?


[4/5] Vecteurs ludiques

Loisir. La notion de loisir est à la fois un produit et une promesse de la modernité. Il est déterminant pour nos modes de vie et d'utilisation du temps et de l'espace. Cependant, son sens demeure multiple, évolutif et fuyant. Et si la promesse de la modernité devenait réalité, offrant le temps de loisirs et l’archipel comme une toile pour les joies (et/ou horreurs) d'une culture de loisirs?

Jeu. Les Montréalais jouent sporadiquement sur ​​les îles depuis le 19e siècle. Et si nous repensons les îles comme un terrain de jeu ultime pour Montréal et un habitat autonome de Homo ludens ?


[5/5] Vecteurs glocaux

International. Le maire Drapeau appelait les îles ‘Cité internationale’, leur promettant un avenir. L’ouverture au monde est dans l'ADN de cet archipel. Comment penser et renforcer la dimension internationale des îles comme catalyseur de leur passé et de leur avenir?

Pluralisme. Comment penser l'espace et la ville pour une société pluraliste? La diversification des valeurs et de modes de vie, ainsi que l’accélération des migrations et de la mondialisation va continuer à changer la ville. Devrions-nous idéaliser les différences ou édifier les bases de cohabitation? Comment la ville pluraliste est pensable dans le modèle de l'archipel? Et si l’archipel devient la plateforme pour des nouvelles formes de colléctivité et de citoyenété?

Local. Quels sont les traits spécifiques du caractère urbain de Montréal? Comment la ‘Montréalité de Montréal’ peut informer la logique des possibles évolutions de l'archipel?

Global. Tout en rivalisant, les villes apprennent des autres villes. Et si les avenirs possibles de l'archipel étaient informés par des leçons tirées de logiques urbaines d’ailleurs?

Ville archipel. Si l'archipel est par définition un ensemble de parties différenciées, comment les différents île Notre-Dame devrait être de l'Île Sainte-Hélène, ou du reste de l'archipel montréalais?

Ville. La ville s’étend. Les îles ne sont pas en marge, mais bien au centre de la région métropolitaine. Si l'idée d'un noyau urbain est pensable, comment repenser l'archipel comme le noyau de la ville?



Références

EXPO 67

Lortie, André [éd.]. Les années 60 : Montréal voit grand. [Montréal: CCA, 2004]

Cormier, Anne. ‘Expo ’67 Revisitée’. ARQ 69 [octobre 1992] 24-27.

Richman Kenneally, Rhona and Johanne Sloan [éds.]  Expo 67: Not Just a Souvenir. [Toronto: University of Toronto Press, 2010]

Lownsbrough, John. The Best Place to be: Expo 67 and its time.[Toronto: Allen Lane, 2012]

Grenier, Raymond. Regards sur l'expo 67. [Montréal: Éditions de l'Homme, 1965]

Archipel

Ungers, Oswald Matthias & al. The City in the City – Berlin: A Green Archipelago. 1977 [Zurich : Lars Muller, 2013].

Koolhaas, Rem. ‘City of the captive globe.’ dans Delirious New York: Retroactive Manifesto for New York. [New York: Monacelli Press, 1978]

Callejas, Luis. Islands and Atolls. Pamphlet Architecture 33 [NY : Princeton Architectural Press, 2013]

Utopie

Utopia, c. 2016. Journal of Architectural Education [JAE] 67:1 [Mars 2013] [articles d’Antoine Picon, Inderbir Riar, Christina Contandriopoulos and Ruth Levitas]

Van Schaik, Martin and Otaker Mácel [éds.]. Exit Utopia: architectural provocations, 1956-1976. [Munich: Prestel, 2005]

Tafuri, Manfredo. Architecture and Utopia; Design and Capitalist Development. [Cambridge: MIT Press. 1976].

More, Thomas. Utopia. [1516]

Coleman, Nathaniel. Utopias and Architecture. [Abingdon: Routledge, 2005]

Harvey, David. Spaces of Hope. [Berkeley: University of California Press, 2000]

Heynen, Hilde. ‘The Need for Utopian Thinking in Architecture.’ Hunch 6/7 [2003]

Travail

MVRDV, OMA, LCLA Luis Callejas, West8, Office [Geers+van Severen], Philippe Rahm, BIG, Cedric Price, Superstudio, Point Supreme Architects, InfraNetLab.


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