Jimmy Carter prend parti
Texte de Pierre-Édouard Latouche
Jimmy Carter sera le premier président des États-Unis à s’engager de manière décisive dans une politique de promotion de l’énergie solaire. Formé comme ingénieur nucléaire dans les années 1950, à une époque où le nucléaire et le solaire sont perçus comme ayant le potentiel de remplacer le charbon et le pétrole, il prend résolument le parti des énergies renouvelables lors de sa présidence. Celle-ci est marquée par des gestes concrets : rédaction d’une politique de l’énergie (1977), création du Secrétariat à l’énergie (1977) et du Solar Energy Research Institute (1977), promulgation d’une loi nationale de l’énergie (1978) et célébration de la première journée nationale du Soleil (3 mai 1978)1.
Pour les particuliers, ces mesures prennent la forme d’un crédit d’impôt couvrant à peu près l’équivalent du tiers des dépenses relatives à la solarisation de résidences neuves ou déjà construites. Pour les ménages moins fortunés, des prêts hypothécaires à faible taux d’intérêt sont disponibles par l’intermédiaire d’un programme fédéral d’aide2. Carter donne lui-même l’exemple en inaugurant, le 20 juin 1979, un système de chauffe-eau solaire pour la Maison-Blanche3.
Malgré ces gestes, les résultats concrets dans le secteur du bâtiment sont minces. Certes, on assiste à un accroissement du nombre de manufacturiers de capteurs solaires, qui passe de 186 en 1977 à 349 en 1979, mais cette industrie dessert surtout le marché de la piscine chauffée. L’objectif fixé par Carter, en 1977, de 300 000 maisons solarisées par année ne sera jamais atteint. Le nombre maximum de maisons solarisées, entre 1977 et 1985, n’a jamais dépassé 4 200, soit 0,20 % des mises en chantier annuelles de maisons unifamiliales aux États-Unis4.
L’élection de Ronald Reagan, en 1980, porte un coup fatal au développement du solaire résidentiel et commercial5. Excellent communicateur, Reagan va convaincre l’opinion publique que la crise énergétique résulte non pas d’un épuisement des ressources pétrolières et gazières – celles-ci seraient abondantes –, mais plutôt d’interventions bureaucratiques entravant l’offre et la demande dans le secteur énergétique. Il fera démonter, en 1986, les panneaux solaires installés par son prédécesseur à la Maison-Blanche.
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L’action de Carter en faveur de l’énergie solaire est très bien analysée par Lamont C. Hempel dans The Politics of Sunshine: An Inquiry into the Origin, Growth and Ideological Character of the Solar Energy Movement in America, Ann Arbor, Mich., UMI, 2007, p. 141 -227; voir aussi Bruce Anderson, « Introduction » dans Solar Building Architecture, Cambridge, Mass., The MIT Press, 1990, p. 1-35. ↩
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Hempel, The Politics of Sunshine, p. 151–52. ↩
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Ted Shelton, « The Greening of the White House », Journal of Architectural Education, vol. 60, n° 4 (2007), p. 31-38. ↩
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Ces chiffres correspondent à la période couverte par les crédits d’impôt pour la solarisation jusqu’en décembre 1985. Voir US Census, Statistical Abstract, 1994. Le nombre de maisons solaires construites aux États-Unis que nous avançons est estimé à partir d’une donnée du US Census, soit la superficie totale, en pieds carrés, des capteurs solaires pour le chauffage résidentiel manufacturés aux É.-U., divisée par la superficie moyenne de capteurs pour une maison individuelle, soit 560 pi2 (18 m2). ↩
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Sur l’impact des politiques de Reagan, voir Hempel, The Politics of Sunshine, p. 207-208 et Anderson, Solar Building Architecture, p. 11. ↩
Pierre-Édouard Latouche a été membre de l’équipe curatoriale de 1973 : Désolé, plus d’essence. Ce texte a été publié pour la première fois dans Désolé, plus d’essence, un livre que nous avons fait en 2007.