Milton-Parc en contexte
Texte de Francesca Russello Ammon. Photographies de Clara Gutsche et David Miller
Vers la fin des années 1960, un promoteur privé a fait peu à peu l’acquisition de la plupart des propriétés d’un secteur de six pâtés de maisons dans un quartier de Montréal connu sous le nom de Milton-Parc. L’objectif était de démolir ce paysage bâti datant en gros de la fin du XIXe siècle pour y reconstruire des édifices modernes, notamment des immeubles à vingt-cinq étages, une tour de bureaux de vingt-neuf étages et un hôtel. Une coalition d’activistes s’est levée en opposition, faisant du porte-à-porte et descendant dans les rues. Parmi eux, deux résidents de Milton-Parc, âgés d’à peine vingt ans, David Miller et Clara Gutsche. Ensemble, ils ont mobilisé leur intérêt naissant pour la photographie pour documenter les édifices du quartier et la communauté au moment où s’y amorçait une longue période de transformation. Leur production témoigne de la longévité et la vitalité persistantes d’un paysage vieillissant, pourtant destiné à être détruit. Ce faisant, ils ont poursuivi une tradition de photographie documentaire centrée sur la mutation urbaine, qui renvoie notamment aux photographies de Eugène Atget au début du XXe siècle à Paris, et au travail de documentation que Berenice Abbott a consacré à une New York changeante, dans les années 19301.
La documentation visuelle récoltée par Miller et Gutsche offre un aperçu éclairant sur la relation entre la photographie et l’architecture durant la période de rénovation urbaine. Ils n’étaient évidemment pas les premiers à se pencher sur ce sujet. Dans plusieurs projets d’élimination de taudis, les images ont servi à illustrer la présence de dégradation urbaine, validant ainsi la démolition – par exemple, à Leeds, en Angleterre, et dans le Lower East Side à New York au début du XXe siècle, mais aussi à Manhattan, redessinée par Robert Moses, après la Seconde Guerre mondiale, et à Detroit, durant l’époque post-industrielle2. Dans le cas de Milton-Parc cependant, le travail de Miller et Gutsche élargit le rôle de la photographie dans ces récits. Plutôt que d’être un agent de destruction, la photographie peut être aussi l’alliée de la résistance et de la sauvegarde. Comme Miller s’intéressait surtout à la documentation du paysage bâti, son travail s’inscrit dans la tradition de la photographie d’architecture suivie par plusieurs photographes de l’Historic American Buildings Survey (HABS), qui se sont attachés à dresser le portrait d’édifices importants – et parfois menacés – depuis les années 19303. Complémentaires, les images plus sociales de Clara Gutsche rappellent le travail documentaire d’autres photographes comme Jacob Riis, Lewis Hine, et plus récemment, Ira Nowinski4. Son travail suggère également que la portée de la photographie d’architecture ne doit pas nécessairement se limiter aux seuls édifices. Ce genre d’archives devrait plutôt accorder une place centrale à la représentation de la population située dans son environnement bâti.
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John Szarkowski et Eugène Atget, Atget, New York, Museum of Modern Art, Calloway, 2000; Berenice Abbott et Elizabeth McCausland, Changing New York: Photographs by Berenice Abbott, New York, Dutton, 1939. ↩
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John Tagg, “God’s Sanitary Law,” in The Burden of Representation: Essays on Photographies and Histories, Amherst, University of Massachusetts Press, 1988, p. 117–52; Jacob A Riis, How the Other Half Lives: Studies Among the Tenements of New York, New York, Charles Scribner’s Sons, 1890; Themis Chronopoulos, “Robert Moses and the Visual Dimension of Physical Disorder: Efforts to Demonstrate Urban Blight in the Age of Slum Clearance,” Journal of Planning History 13, no. 3 (août 2014): p. 207–33; Samuel Zipp, Manhattan Projects: The Rise and Fall of Urban Renewal in Cold War New York, New York, Oxford University Press, 2010; Wes Aelbrecht, “Decline and Renaissance: Photographing Detroit in the 1940s and 1980s,” Journal of Urban History 41, no. 2 (mars 2015): p.307–25. ↩
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John A. Burns, Historic American Buildings Survey/Historic American Engineering Record, and Historic American Landscapes Survey, dir., Recording Historic Structures, Hoboken, John Wiley & Sons, 2004. Voir aussi la collection du Historic American Buildings Survey à la Library of Congress. ↩
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Riis, How the Other Half Lives; Lewis Wickes Hine, Men at Work: Photographic Studies of Modern Men and Machines, The Macmillan Company, New York, 1932; Ira Nowinski, No Vacancy: Urban Renewal and the Elderly, San Francisco, C. Bean Associates, 1979. ↩
Au début des années 1960, Milton-Parc se composait d’un mélange de maisons de pierre grise en rangées, d’immeubles-appartements de faible hauteur et d’édifices institutionnels. En dix ans à peine, le promoteur Concordia Estates avait acquis une grande portion du quartier en vue d’entreprendre sa rénovation. En partenariat avec le University Settlement, une institution communautaire ayant depuis longtemps pignon sur rue et chapeautée par des travailleurs sociaux et des organisateurs communautaires, les citoyens de Milton-Parc ont formé un Comité pour s’opposer au projet de Concordia Estates. Ensemble, ils ont défendu l’importance de maintenir la vitalité de l’infrastructure physique et sociale de Milton-Parc. Ils ont organisé des réunions, publié un bulletin de nouvelles et occupé des immeubles vacants. Malgré tous leurs efforts, la démolition a débuté en février 1972. À la fin du mois de juillet, les 255 structures concernées par la Phase 1 du plan de développement avaient été rasées, ouvrant la voie à la construction d’un édifice en béton multifonctionnel connu sous le nom de La Cité.
Si cette première défaite a porté un coup dur aux résidents activistes, elle n’a cependant pas marqué la fin de l’histoire. Divers facteurs – notamment de nouveaux développements touchant l’économie, les voies de transport locales et, enfin, le zonage – ont empêché le promoteur d’aller de l’avant1. Au lieu de démolir et de construire à neuf, Concordia Estates a sous-traité la gestion des propriétés existantes, ouvrant ainsi la voie à des solutions alternatives de rénovation dans le reste du quartier concerné par le plan. En collaboration avec l’architecte et philanthrope Phyllis Lambert, Héritage Montréal – un organisme à but non lucratif alors tout récemment créé–, le gouvernement fédéral et des administrations locales, le Comité des citoyens a présenté une contre-proposition. En combinant le statut de propriété coopérative et à but non lucratif avec un programme de rénovation du bâti subventionné par le gouvernement, le Comité s’efforçait de permettre aux habitants des classes moyenne et ouvrière de continuer à vivre dans le quartier. En mai 1979, sur l’insistance d’Héritage Montréal, la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) a fait l’acquisition des bâtiments non démolis, soit 723 unités résidentielles et 14 magasins. Un an et demi plus tard, l’organisme les a vendus à la Société d’Amélioration Milton-Parc (SAMP), une nouvelle société à but non lucratif créée pour superviser le processus de rénovation et assurer ensuite le transfert des habitations à leurs ultimes propriétaires sur base d’un statut de propriété coopérative et à but non lucratif. La SCHL a fourni des aides à l’acquisition et à la rénovation des habitations, qui allaient permettre de proposer des structures de location accessibles dans les quelque 600 unités d’habitations créées (et les 20 espaces commerciaux). La Société a également financé le Groupe de Ressources Techniques (GRT), composé d’architectes, d’administrateurs et d’animateurs sociaux qui assuraient au jour le jour la mise à bien du projet, organisant le financement, établissant des plans d’architecture, supervisant les rénovations et assurant le transfert de la propriété. En 1983, l’inauguration du projet venait couronner la mise sur pied du plus grand projet coopératif d’habitation jamais réalisé au Canada, et ce grâce aux efforts de tous les groupes impliqués2.
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Pour une histoire détaillée de la saga Milton-Parc, voir Claire Helman, The Milton-Park Affair: Canada’s Largest Citizen-Developer Confrontation, Montréal, Véhicule Press, 1987. ↩
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Lucia Kowaluk et Carolle Piché-Buton, dir., Communauté Milton-Parc: How We Did It and How It Works Now, Montréal, Communauté Milton-Parc, 2012, p.11–13. ↩
Étalé sur plusieurs années, le processus de résistance, de redéveloppement et de rénovation a généré une quantité appréciable d’archives photographiques. Bien que ces archives comprennent bien plus que la seule production de Miller et Gutsche, leurs photographies comptent parmi les images les plus évocatrices, les plus connues et les plus largement exposées de la saga de Milton-Parc. Durant les années 1970, les photographies de Miller et Gutsche ont représenté pour l’opposition une véritable prise de parole visuelle, grâce à leur reproduction dans divers journaux communautaires, tracts et affiches du University Settlement, et lors d’expositions plus formelles dans des galeries (dont celle qui a donné lieu au catalogue “You Don’t Know What You’ve Got ‘Til It’s Gone”: The Destruction of Milton-Park)1. Aujourd’hui, elles contribuent à documenter aussi bien des paysages qui ont été perdus que le mouvement de résistance et de coopération né de la réfection de Milton-Parc et dont l’influence est encore perceptible aujourd’hui. Ces images font actuellement partie des collections de diverses institutions, dont le Centre Canadien d’Architecture – dépositaire principal des archives de Milton-Parc, de façon générale – et le Musée des Beaux-Arts de Montréal et le Musée McCord2. La plupart d’entre elles sont accompagnées de légendes et sous-titres concis et utilitaires, précisant brièvement le lieu et la date de la scène photographiée et, occasionnellement, la thématique de base. Mais elles en disent peu sur la fonction et la signification de ces images qui ont évolué avec le temps, depuis le moment où elles ont été prises jusqu’à aujourd’hui, à travers des changements de contexte.
Sous-titres riches et narration historique
Utilisant un concept que j’appelle « le sous-titre riche » (ou thick caption), je souhaite enrichir les récits historiques entourant ces images. Ces sous-titres riches peuvent provenir de sources diverses, dont le corpus iconographique plus large dans lequel chacune des images se situe, les différents documents textuels afférents au projet Milton-Parc et, à cet égard précisément, la nouvelle archive d’histoire orale que j’ai développée en m’entretenant avec des acteurs impliqués dans le projet depuis les années 19601. Malgré l’important matériel d’archives conservé au CCA – dont des rapports, tracts, bulletins d’information et coupures de journaux –, une portion seulement de ces documents se rapporte directement aux photographies2. Les témoignages obtenus par le biais d’entretiens d’histoire orale forment un autre genre de texte contre lequel lire ces images: les paroles des photographes, des résidents, des activistes et des organisateurs eux-mêmes.
Les images qui suivent jumellent des photographies individuelles, souvent présentées dans leur contexte de publication, avec des extraits d’entretiens avec Miller et Gutsche3. Cette juxtaposition suggère une méthodologie de recherche dans laquelle les photographies d’architecture sont utilisées comme sources et montre l’outil précieux que représente la tradition orale dans ce processus. Ces “sous-titres riches” aident à reconstituer partiellement l’ensemble du récit qui sous-tend la rénovation de Milton-Parc. Elles révèlent aussi les rôles multiples – et parfois inattendus – joués par les photographes dans le façonnement du développement urbain et du mouvement communautaire. Enfin, elles élargissent les frontières de la photographie d’architecture. Bien que les bâtiments occupent l’avant-scène, il faut faire appel à d’autres sujets photographiques pour en raconter l’histoire.
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La collection Histoire orale de Milton-Parc est en cours de transcription et d’édition. Le résultat sera bientôt disponible pour les chercheurs au CCA. ↩
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Voir les Fonds Milton-Parc AP025 et Milton Park Vertical File, tous deux au CCA. ↩
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Les citations et articles utilisés pour la présentation proviennent de: David Miller, entretien avec Francesca Russello Ammon, transcription, 2 août 2016, Milton-Parc Oral History Collection, CCA; Clara Gutsche, entretien avec Francesca Russello Ammon, transcription, 21 mars 2017, Milton-Parc Oral History Collection, CCA. ↩
« Nous étions motivés en grande partie par un élan de découverte, à un niveau personnel. Nous n’avions ni l’un ni l’autre de formation en photographie. C’était aussi politique, puisque nous nous considérions généralement d’allégeance sociale et de gauche, et nous nous sentions interpellés par le fait que le Comité des Citoyen résistait la démolition de leur quartier. Premièrement, nous n’avions aucun désir particulier de déménager du quartier parce qu’il allait être démoli, mais ça semblait aussi être quelque chose de socialement utile que nous pouvions faire. » — David Miller
« Si vous voulez que quelque chose ait l’air dilapidé, c’est très facile à faire. Vous choisissez votre point de vue. En plus, si vous êtes un peu plus sophistiqué, vous pouvez photographier dans une lumière plus grise, vous faire une vue rapprochée qui exclue le parterre en fleur de la maison voisine. Si vous essayez de donner belle allure au même endroit, vous choisissez une lumière attrayante qui fait ressortir la texture des surfaces là où vous le voulez. Vous utilisez, comme je l’ai fait, une chambre photographique pour que les lignes soient droites. Rien n’a l’air de s’effondrer. » — David Miller
« Mais lorsque vous regardez le travail que nous avons produit, de manière générale – à moins que nous photographions la démolition – les bâtiments ne nous avons photographiés ont l’air bien, et récupérable, et même beau. L’un des avantages d’utiliser le format 4 x 5 est que, si vous agrandissez les épreuves, vous pouvez voir les cadenas sur la porte. » — David Miller
« Nous étions littéralement, consciemment et sciemment, des propagandistes. Quand les gens regardent les images, ils disent « Oh, mais que c’est beau ». Eh bien, [nous essayions de leur montrer,] vous habitez juste à côté. C’était l’intention, et je crois que ça s’est déroulé comme ça jusqu’à un certain point… Qui sait si ces photographies ont été efficaces ou inefficaces dans le contexte de Milton-Parc, mais il est difficile de voir ce genre de chose puisse nuire la cause. Possiblement aider. » — David Miller
« La menace de démolition par Concordia Estates était bien réelle, et nous sentions que nos photographies pouvaient contribuer à la lutte pour sauver les bâtiments… Il y avait quelque chose dans le Comité des Citoyens de Milton-Parc et le genre de résidents qui en faisaient partie, qui encourageait les gens à contribuer leur expertise au meilleur de leur habileté. » — Clara Gutsche
« L’idée était d’essayer, à travers nos photographies, de montrer aux gens la valeur de ce qu’ils possédaient avant qu’ils ne le perdent, dans l’espoir d’impliquer plus de gens dans la lutte pour sauver notre quartier. » — Clara Gutsche
« J’ai trouvé les mots pour comment nous croyions que nos photographies contribuaient aux initiatives du Comité des Citoyens de Milton-Parc. Un de ces mots est « sensibilisation », un terme issu du mouvement féministe – en somme, l’idée d’une prise de conscience par les voisins, par la communauté. Les membres du Comité des Citoyens de Milton-Parc étaient, bien sûr, déjà très conscients de ce qui était en train de se produire, mais les photographies étaient tout de même un renfort, peut-être une source de motivation ou de dynamisme. » — Clara Gutsche
« Je crois, particulièrement pour ce projet, que la plupart de mes photographies sont basées dans la structure de l’espace, la lumière qui passe par les fenêtres. Je photographiais habituellement seulement avec la lumière des fenêtres, et très souvent avec une lumière de remplissage supplémentaire ajoutée parce que j’en avais besoin. Il fallait simplement que j’équilibre le contraste de la lumière. Mais je crois que les photographies d’intérieur sont base dans la structure de l’espace et la lumière, et il s’agit-là d’un concept architectural. » — Clara Gutsche
« J’allais presque toujours parler aux gens avant d’apporter mon appareil photo, et parfois j’y allais avec mon appareil photo si j’avais déjà établi un contact téléphonique avec eux ou les avais rencontrés lors d’une réunion de groupe de University Settlement ou une autre occasion… Je faisais la promesse de leur retourner une photographie. Il y avait donc aussi un certain niveau de distribution des images au sein de la communauté. » — Clara Gutsche
« Durant une de ces manifestations, Clara et moi étions tous deux parmi les 59 protestataires qui ont été arrêtés et jetés en prison pour la nuit. » — David Miller
« J’ai fait une série de photographie dans quelques bâtisses différentes qui avaient été condamnées et barricadées, et que le Comité des Citoyens de Milton-Parc essayait activement de sauver… Malheureusement, les ouvriers de démolition étaient en train de mettre les intérieurs en pièces. J’ai quelques photos des intérieurs en cours de démantèlement. Vous pouvez vous dans la photo que certaines choses ont été retirées des murs. Les foyers sont sur le sol – ou des éviers sont par terre – et j’ai pris quelques photographies avec l’ouvrier. Cet ouvrier s’apprête à balancer un lavabo par la fenêtre. » — Clara Gutsche
« Ils ont commencé à démolir. J’ai pris beaucoup de photos de démolition… Mais c’était déprimant. Ça voulait dire que nous avions perdu une bataille majeure. Et à ce moment-là, je crois que nous avons décidé de déménager. Nous ne pouvions pas supporter de voir des blocs de bâtiments dévastés que nous avions combattu si durement pour préserver. » — David Miller
Bien que Miller et Gutsche aient terminé leur documentation photographique de Milton-Parc en 1973, les images qu’ils ont produites ont continué à circuler, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du quartier. À cet égard, il importe de ne pas les séparer de leur contexte, qui était plus visible lorsqu’elles étaient exposées plus près de l’époque et des lieux d’origine. À l’occasion d’interprétations récentes de leur travail sur Milton-Parc, Gutsche a exprimé une certaine frustration :
J’étais réticente au sujet d’une lecture contemporaine de nos photographies, car, lorsqu’elles sont exposées seules, on y voit la destruction qui caractérise la Phase 1 mais pas la préservation de la Phase 2. (…) juste exposer les photographies ne permet même pas d’amorcer un début de représentation – ni d’évoquer dans une conversation – le temps très court que ces images représentaient et le fait que la Phase 2 ait été un véritable triomphe1.
Ce succès s’est appuyé en partie sur la vie sociale, l’esprit communautaire et le caractère architectural documentés par les photographes de façon si éclatante durant la Phase 1 du plan de rénovation de Concordia Estates. Les activistes de Milton-Parc se sont efforcés de sauver à la fois les édifices et la communauté, comme l’illustrent clairement les photographies de Gutsche et Miller. Par ailleurs, Gutsche a exprimé son inquiétude quant au fait qu’aujourd’hui, les images sont parfois perçues comme étant purement documentaires – comme si elle et Miller avaient surtout considéré leurs photos comme un moyen de préserver le souvenir de la communauté, dans l’éventualité où les habitations seraient perdues. Mais ce n’était pas le cas. « Cela n’avait rien à voir avec de la documentation, a-t-elle affirmé. Nous aurions de tout coeur préféré avoir sauvé les édifices et ne pas avoir les photographies. S’il y avait eu un choix à faire. »
Seule une lecture approfondie permet de saisir les objectifs, les significations et les effets dans toutes leurs nuances. En regardant au-delà du cadre photographique et de la brève période de production des images, il devient possible d’extraire celles-ci du discours strictement artistique pour les intégrer à un discours plus social et politique. Les “sous-titres riches” obtenus par le jumelage des archives – en particulier avec les témoignages d’histoire orale – constituent une des façons de révéler ce contexte plus large.
Francesca Russello Ammon a développé cette recherche lorsqu’elle était au CCA en 2016-2017, dans le cadre du Programme de recherche multidisciplinaire L’architecture et/pour la photographie, avec le soutien financier de la Andrew W. Mellon Foundation.