Autres sens, autres espaces

On aspire ici à remettre en question la prédominance du sens visuel en architecture. Sentir la ville, goûter l’asphalte et ériger des bâtiments avec de la neige et de la glace. Il s’agit de mieux comprendre les qualités subtiles et sensorielles de l’environnement bâti en étudiant les possibilités de le transformer par le biais du contrôle climatique, de l’expérience kinesthésique du son et de modes d’orientation par un jeu d’ambiances. Manifestement, nos sens influent sur tous les aspects de notre interaction avec notre environnement. On peut donc se poser la question : comment une nouvelle conscience sensorielle permet-elle de recomposer des espaces?

Autres sens, autres espaces

On aspire ici à remettre en question la prédominance du sens visuel en architecture. Sentir la ville, goûter l’asphalte et ériger des bâtiments avec de la neige et de la glace. Il s’agit de mieux comprendre les qualités subtiles et sensorielles de l’environnement bâti en étudiant les possibilités de le transformer par le biais du contrôle climatique, de l’expérience kinesthésique du son et de modes d’orientation par un jeu d’ambiances. Manifestement, nos sens influent sur tous les aspects de notre interaction avec notre environnement. On peut donc se poser la question : comment une nouvelle conscience sensorielle permet-elle de recomposer des espaces?

Article 1 de 9

Vers un urbanisme sensoriel

Texte par Mirko Zardini

Au cours des dernières années, de nombreuses études ont exploré le thème de la ville et du monde urbain auquel nous ne pouvons manifestement plus échapper, car la ville, qui constitue désormais le décor essentiel de notre quotidien, se trouve « partout et en toute chose1 ». L’idée d’un urbanisme comme mode de vie, indépendant de la densité physique de l’environnement et donc dégagé de la réalité locale, est en train de s’installer2.

Dans les années 1960 et 1970, les analyses portant sur les villes se sont surtout attachées au changement d’échelle, c’est-à-dire aux configurations inédites nées de leur surprenante croissance. De nouveaux substantifs, tels que « région métropolitaine, ville-région, mégalopolis ou megistopolis » ont progressivement remplacé les mots « ville, cité, town, città, Stadt, urbs, polis, métropole ou Großstadt », devenus inaptes à décrire ces nouvelles conurbations3. À l’inverse, les analyses des dernières décennies ont plutôt cherché à représenter la complexité grandissante et les nouveaux attributs du phénomène urbain. Pour ce faire, les auteurs ont souvent usé d’adjectifs ou de noms apposés au mot « ville4 ». À en juger par la diversité des points de vue sur le sujet, il est clair aujourd’hui qu’on doit renoncer à une vision unique, compte tenu de la complexité des phénomènes actuels.

Nous disposons actuellement d’une telle manne d’études et de termes issus de ce nouvel effort de description et d’interprétation qu’il serait possible d’en extraire non pas un, mais plusieurs dictionnaires sur la ville contemporaine. Dans cette tentative borgésienne de capter le caractère de la ville contemporaine, nous pourrions reconstruire tout l’alphabet. Ainsi la ville est-elle « anxieuse, city of bits, compacte ou cyber, duelle ou défaite (città disfatta), edge, edgier ou entrepreneurial, ville de fantaisie, générique, globale, hypercité, instantanée, japonaise, kitsch, locale ou lettrée, Manga ou mortelle, ville narcisse, open city ou ökotop Stadt, partagée ou città pulpa; ville de quartz; ville rat, survivante, soft ou ville soleil, touristique, ville de télévision ou ville thématique, unknown, virtuelle, wounded city; x ou xerox, year city, Zwischenstadt ou Zweckentfremdet5 ». Malgré leurs approches différentes, ces études montrent combien nos villes, notre regard et surtout nous-mêmes ont changé.

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  1. Ash Amin et Nigel Thrift, Cities, Reimagining the Urban, Cambridge, Polity Press, 2002. 

  2. Voir Louis Wirth, « Urbanism as a Way of Life », American Journal of Sociology, vol. 44, no 1, 1938, p. 1–24; Melvin M. Webber, « The Urban Place and the Nonplace Urban Realm », dans Explorations into Urban Structure, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1964. 

  3. Jean Gottmann, Megalopolis: The Urbanized Northeastern Seaboard of the United States, New York, Twenty Century Fund, 1961. Le terme megistopolis a été proposé en 1978 par Gottmann dans son essai « How Large Can Cities Grow? », reparu dans Since Megalopolis, The Urban Writings of Jean Gottmann, Jean Gottmann et Robert A. Harper (dir.), Baltimore et Londres, John Hopkins University Press, 1990. 

  4. À ce propos, voir Nan Ellin, « Slash City », Lotus international, no 110, sept. 2001, p. 58–72. 

  5. Au sujet de l’hypothèse de dictionnaire portant sur la ville contemporaine, voir Ludovica Molo et Mirko Zardini (dir.), « La città contemporanea dalla A alla Z », Archi, février 1999. La pratique du dictionnaire se répand de plus en plus. Pour une autre interprétation, voir Manuel Gausa et Susanna Cros (dir.), The Metapolis Dictionary of Advanced Architecture, Barcelone, Actar, 2003. 

Urbanisme contemporain et environnement

Dans les études urbanistiques comme dans les projets urbains, on a tenté de définir de nouvelles stratégies d’intervention qui influenceraient les transformations du tissu urbain et répondraient aux nouveaux problèmes posés par les phénomènes de globalisation, de délocalisation et de fragmentation. Du nouvel urbanisme au post-urbanisme ou au réurbanisme, de l’éco-urbanisme à l’urbanisme paysager, de l’urbanisme informel à l’urbanisme quotidien, on a récemment attribué de nombreuses définitions à l’urbanisme contemporain1. Ce foisonnement d’appellations reflète le grand éventail des réponses et stratégies mises en place pour résoudre, partout dans le monde, les nouveaux problèmes urbains.

Ainsi, le nouvel urbanisme fait renaître, souvent avec nostalgie, certains modèles de la ville historique, réagissant ainsi à la redécouverte des besoins sociaux et environnementaux. Le post-urbanism tel que prôné par Eisenman s’attache avant tout à la la valeur du projet comme moyen de critiquer le statu quo, sans faire la distinction entre architecture et urbanisme. Le chevauchement de ces deux réalités, conjugué à une vision de la ville à la fois morphologique, sociale et politique, transparaît dans les recherches que Manuel de Solà-Morales a menées sur le projet urbain et le thème de l’angle2, lequel est à la fois édifice, lieu urbain, et métaphore de la ville comme lieu de rencontre et de confrontations entre « personnes différentes ». Il s’agit d’une thématique présente en de nombreuses démarches, dont les projets inspirés par ce qu’on appelle l’urbanisme quotidien qui, sur les traces d’Henri Lefebvre, Michel de Certeau et Guy Debord, placent au cœur de leurs préoccupations la vie de tous les jours des citadins3. Même s’il n’est pas fait référence aux thèmes de défense des intérêts et de participation locale en urbanisme et en architecture, prépondérants dans les années 1960 et 1970, la ville informelle, qui vise une approche démocratique établie du bas vers le haut, retient toute l’attention.

Aujourd’hui, les questions écologiques, en particulier celles qui portent sur le développement durable et la biodiversité, suscitent un grand intérêt; on note aussi un regain de confiance général pour les outils et méthodes qu’offre l’architecture paysagère dans l’effort de compréhension et de transformation de l’environnement urbain. Il ne s’agit pas seulement d’une réappropriation des outils techniques – la chose n’est pas neuve, à preuve les expériences du XIXe siècle et du début du XXe siècle – mais d’un changement conceptuel : nous sommes passés de la « ville qui monte » de Boccioni au « paysage qui avance », métaphoriquement autant que réellement4. D’où l’assertion d’Iñaki Ábalos et Juan Herreros que « l’on commence à voir chaque lieu comme un paysage, qu’il soit naturel ou artificiel5 ».

Pourtant, malgré ce foisonnement d’études, de stratégies, et de projets non soutenus, ne néglige-t-on pas un détail? Un simple coup d’œil vers les années 1960 et 1970 révèle combien le thème de l’environnement urbain se trouvait au centre de maintes réflexions. Malgré la disparité de ces tendances – de l’optimisme technologique de Buckminster Fuller à la critique sociale de groupes tels que Superstudio –, on analysait l’environnement urbain de manière plus vaste et plus complexe qu’il ne l’a été par la suite6. Une meilleure qualité de l’environnement s’impose aujourd’hui plus que jamais. Comme le note Cedric Price, « le bien-être mental, physique et sensoriel est absolument nécessaire7. » Il ne s’agit pas de revenir à une conception qui a établi l’environnement comme facteur uniquement climatique ou visuel, tels les paysages urbains anglais (townscape) de ces deux décennies, mais de proposer une idée de l’environnement plus vaste qui tienne compte des différents phénomènes perceptifs et des capacités sensorielles de l’individu, et de ne plus faire de la vision l’élément clé définissant l’espace urbain8. Les propriétés matérielles, tactiles et acoustiques, ou encore le contrôle de la température, de l’humidité et des odeurs entrent de plus en plus dans la définition de nos espaces privés, mais cette réalité n’atteint pas encore nos espaces urbains.


  1. Une série de séminaires tenus à l’Université du Michigan en 2004 offre un premier panorama intéressant. Voir Rahul Mehrotra (dir.), Everyday Urbanism: Margaret Crawford vs. Michael Speaks, Ann Arbor, University of Michigan Press et A. Alfred Taubman College of Architecture, 2005; Robert Fishman (dir.), New Urbanism: Peter Calthorpe vs. Lars Lerup, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2005; Roy Strickland (dir.), Post Urbanism and Reurbanism: Peter Eisenman vs. Barbara Littenberg and Steven Peterson – Designs for Ground Zero, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2005. Au sujet du débat sur le paysage, voir James Corner (dir.), Recovering Landscape: Essays in Contemporary Landscape Architecture, New York, Architectural Press, 1999; et Mohsen Mostafavi et Ciro Najle (dir.), Landscape Urbanism: A Manual for the Machinic Landscape, Londres, AA Publications, 2003. 

  2. Manuel de Solà-Morales, Ciudades, esquinas = Cities, Corners, catalogue de l’exposition Forum Barcelone (2004), Barcelone, Lunwerg, 2004. 

  3. John Chase, Margaret Crawford et John Kaliski (dir.), Everyday Urbanism, New York, Monacelli Press, 1999. 

  4. Mirko Zardini, « De la ciudad que sube al paisaje que avanza », dans Metròpolis, Ciudades, Redes, Paisajes, Ignasi de Solà-Morales et Xavier Costa (dir.), Barcelone , Gustavo Gili, 2005, p. 208-212. 

  5. Iñaki Ábalos et Juan Herreros, « Journey through the Picturesque, a Notebook », dans Mohsen Mostafavi et Ciro Najle (dir), Landscape Urbanism p. 56. 

  6. Joachim Krausse et Claude Lichtenstein (dir.), Your Private Sky – R. Buckminster Fuller. Design als Kunst einer Wissenschaft, Baden, Lars Müller, 1999, et Your Private Sky: Discourse, R. Buckminster Fuller, Baden, Lars Müller et le Museum of Design, Zurich, 2001; pour Superstudio, voir Emilio Ambasz (dir.), Italy, The New Domestic Landscape: Achievements and Problems of Italian Design, New York, Museum of Modern Art, et Florence, Centri Di, 1972. 

  7. Cedric Price, « Un poumon pour Midtown Manhattan », dans Prix du CCA pour la conception des villes, Centre Canadien d’Architecture, Montréal, 15 novembre 2000-1er avril 2001, catalogue de l’exposition. 

  8. Gordon Cullen, Townscape, Londres, Architectural Press, 1961. 

Espace public et rues « sensorielles »

Le thème de la disparition ou l’appauvrissement de ce qu’on appelle l’espace public revient sans cesse dans les débats contemporains. Les activités qui, à une époque, se déroulaient dans les espaces publics ont été partiellement remplacées par de nouvelles formes d’espaces collectifs (espaces privés d’usage public, tels les centres commerciaux ou les parcs thématiques1). La télévision et l’ordinateur se sont quant à eux chargés de transférer dans la sphère privée plusieurs autres fonctions propres à la communication et au divertissement. Aujourd’hui, une préoccupation constante semble modeler notre définition de l’environnement urbain : celle de la sécurité. Les rues et les places publiques à ciel ouvert, mais aussi les nouveaux espaces collectifs, forment d’abord et avant tout un espace de peur, et donc, inévitablement, de contrôle. La peur, entre autres, favorise la création d’enclaves, de ghettos et de parcs thématiques, espaces contrôlés et socialement homogènes. Elle détermine également notre définition de ce qu’il nous reste d’espace public.

Pour éloigner la peur, toutes les formes de peur qui nous assiègent, nous avons eu recours à plusieurs antidotes. Ainsi a-t-on enclos et éclairé l’espace public, y installant des caméras de surveillance vidéo. Steven Flusty affirme que l’on confère des caractéristiques spécifiques aux espaces urbains afin de les rendre rébarbatifs. La liste des attributs qui l’indiquent comprend entre autres des « espaces furtifs » (qu’on ne peut trouver), des « espaces glissants » (qu’on ne peut atteindre), des « espaces rugueux » (auxquels on ne peut accéder), des « espaces épineux » (espaces inconfortables) et des « espaces nerveux » (dans lesquels on ne passe pas inaperçu)2. On demande de plus en plus à l’architecture et l’urbanisme contemporains de masquer les dispositifs conceptuels ou réels de ces nouvelles formes de contrôle. À l’inverse, comme le note Zygmunt Baumann, l’espace urbain devrait se fonder sur le concept de mixophilie pour encourager la possibilité « de vivre pacifiquement et de s’accomoder de la différence, et de tirer profit de cette diversité de stimuli3 ». Ainsi faut-il reconnaître l’importance de « promouvoir des espaces publics ouverts, invitants et hospitaliers, qui invitent tous les citadins à les fréquenter assidûment et à les partager à dessein et avec plaisir4 ». Quelles devraient être les propriétés de cet espace? Est-il possible de transformer l’espace urbain que décrit Flusty en un environnement visible, attrayant et intéressant?

Dès les années 1960, Jane Jacobs, dans sa critique de la pratique urbanistique, suggère quelques-unes des caractéristiques de l’environnement urbain, soulignant l’importance de la différence et de la dimension humaine, et insistant sur le rôle de la rue comme espace public5. Dans un texte marquant des années 1980, William H. White parle lui aussi de la rue et des places comme d’espaces publics par excellence; il analyse leurs modes d’utilisation et les différents éléments qui les composent, de l’eau jusqu’au vent, des arbres à la lumière, de l’ombre au soleil, avant d’aboutir à l’idée d’une rue « sensorielle ».6

Cependant, l’urbanisme a longtemps privilégié les caractéristiques visuelles de l’espace urbain. Qu’il s’agisse de définir un espace régulier par le contrôle des alignements, des hauteurs, de la définition des matériaux et des couleurs, ou d’accentuer les contrastes et les différences dans une vision pittoresque de l’environnement urbain, l’œil a toujours été l’organe sensoriel privilégié. Ni l’ouïe ni l’odorat (non plus que le toucher) n’ont joui de la même considération. Sons et odeurs ont plutôt été considérés comme éléments perturbateurs : l’architecture et l’urbanisme ne s’en sont souciés que pour les marginaliser, les cacher ou les gommer.


  1. Michael Sorkin (dir.), Variations on a Theme Park: The New American City and the End of Public Space, New York, Hill and Wang, 1992. 

  2. Steven Flusty, « Building Paranoia », dans Architecture of Fear, Nan Ellin (dir.), New York, Princeton Architectural Press, 1997, p. 47–59. 

  3. Zygmunt Bauman, « Living with Foreigners », Unidea, Unicredit Foundation, Società Umanitaria, Milan, 30 mars 2004, texte d’une conférence paru dans Fiducia e paura nella città, Milan, Bruno Mondadori, 2005, p. 33 et 35. 

  4. Ibid., p. 35. 

  5. Jane Jacobs, Déclin et survie des grandes villes américaines, traduit de l’américain et présenté par Claire Parin-Senemaud, Liège, Mardaga, 1991. 

  6. William H. White, City: Rediscovering the Center, New York, Doubleday, 1988. 

De la ville hygiénique aux paysages olfactifs et sonores

La politique d’assainissement de l’environnement urbain, préfigurée par Leonardo Bruni dans son panégyrique de la ville de Florence paru vers 1403–14041, n’est prise au sérieux par les municipalités qu’au milieu du XVIIIe siècle2. Le caractère et la qualité de l’espace public deviennent une préoccupation lorsqu’on instaure les premiers règlements régissant le nettoyage des rues et les efforts de réduire la boue et la poussière en introduisant le pavage de pierre, puis d’asphalte. Même en ce qui concerne le ramassage des ordures et l’élimination odeurs et de la saleté, la composante visuelle de l’intervention (qu’il s’agisse de pavage ou de crépissage) joue un rôle prépondérant, qui dépasse sa portée réelle3.

Cette préoccupation à la fois visuelle et « hygiénique » a façonné les attitudes adoptées envers la ville moderne, et le fait encore aujourd’hui. L’éclairage, le pavage des rues et des places publiques, les règlements qui empêchent que se répandent odeurs et bruits importuns, tout cela n’est qu’un premier pas dans un processus continu d’embellissement de l’espace public4. Avec l’apparition de nouvelles technologies (plus répandues à l’échelle globale), et aux effets plus ou moins indésirables qui en découlent, tels les odeurs et le bruit, des solutions autrefois jugées optimales sont devenues problématiques avec le temps. C’est aujourd’hui le cas de l’éclairage nocturne lorsqu’il est excessif, ou encore de l’asphalte, accusé d’augmenter le débit du trafic.

Toutefois, l’érosion continuelle de la sphère perceptive, par la standardisation du milieu urbain ainsi que son assainissement, se heurte à des distinctions sonores et olfactives qui, bien qu’impalpables, se montrent particulièrement résistantes. Malgré les phénomènes maintenant fréquents de globalisation et de propagation d’odeurs devenues courantes – ce mélange « d’essence, de détergent, de plomberie et de restauration rapide » dont parle Ivan Illich5 –, chaque ville, chaque lieu possède encore son propre paysage olfactif : « Il existe un odeur de Londres […] une odeur russe […] une odeur d’Europe centrale […] Il existe des parfums de Méditerranée et d’Orient […et] la subtilité des odeurs de l’Inde […] Il y a les odeurs de Chine […] Il y a l’odeur de l’Amérique » observe André Siegfried, l’un des premiers auteurs intéressé à la géographie des couleurs, des odeurs et des sons6. Il en va de même pour les sons, comme le montrent les recherches de Murray Schafer ou du Laboratoire Cresson sur les différents paysages sonores de la ville7. Aujourd’hui, nous pouvons en effet reconnaître le paysage sonore d’une ville donnée, tout comme son paysage olfactif. À témoin le récent essor de ces « guides » des villes du monde qui se présentent sous forme d’enregistrements du paysage sonore, ou encore les perspicaces installations et promenades sonores de l’artiste canadienne Janet Cardiff.


  1. L’humaniste florentin Leonardo Bruni, chancelier de la République à partir de 1427, a écrit son Laudatio florentinae urbis comme un pastiche d’un panégyrique d’Athènes datant du IIe siècle apr. J.-C. Premier auteur de la Renaissance à utiliser dans un texte contemporain un modèle littéraire ancien, Bruni s’éloigne cependant beaucoup du modèle grec, décrivant le caractère de la ville en termes neufs. Le texte est paru en anglais dans une traduction de Benjamin G. Kohl, dans Hans Baron, From Petrarch to Leonardo Bruni: Studies in Humanistic and Political Literature, Chicago, Newberry Library for the University of Chicago Press, 1968, p. 232-263. 

  2. Sur l’analyse du rapport entre le corps et la ville, voir Richard Sennett, Flesh and Stone, The Body and the City in Western Civilization, New York, W. W. Norton, 1994. 

  3. Rodolphe el-Khoury, « Polish and Deodorize: Paving the City in Late-Eighteenth-Century France », Assemblage (déc. 1996), p. 6-15. 

  4. Il est utile de se remémorer l’appréciation que les futuristes manifestent pour les sons nouveaux de la ville moderne. Voir Luigi Russolo, L’art des bruits. Manifeste futuriste, Paris, Éditions Allia, 2003. 

  5. Ivan Illich, « H2O. Les eaux de l’oubli », dans OEuvres complètes, vol. II, Paris, Fayard, 2005. 

  6. André Siegfried, « La géographie des odeurs », conférence tenue à Paris en 1947, texte paru dans Géographie des odeurs, Robert Dulau et Jean-Robert Pitte (dir.), Paris et Montréal, L’Harmattan, 1998, p. 19–23. Sur l’histoire de la perception olfactive, voir Alain Corbin, Le miasme et la jonquille. L’odorat et l’imaginaire social, Paris, Aubier, 1982. Pour une étude du thème, voir « Histoire et anthropologie sensorielle », du même auteur, reparu dans Le Temps, le désir et l’horreur : Essais sur le XIXe siècle, Paris, Flammarion, 2000, p. 228-241. 

  7. Murray Schafer, The Soundscape: Our Sonic Environment and the Tuning of the World, Rochester (Vermont), Destiny Books, 1977. Cet ouvrage constitue une introduction au travail de Murray Schafer. Il faut aussi rappeler ici les recherches sur le paysage sonore du Laboratoire Cresson (Université de Grenoble), d’où est issue la publication de Jean-François Augoyard et Henry Torgue, À l’écoute de l’environnement. Répertoire des effets sonores, Marseille, Éditions Parenthèses, 1995. 

Architecture et expériences sensorielles

Le temps change et, avec lui, le décor urbain dans lequel nous vivons, ainsi que nos perceptions, notre sensibilité et notre mode de vie : les seuils perceptifs se modifient, comme varient nos niveaux de tolérance ou d’appréciation des odeurs, des sons, des déchets, de l’obscurité, de la chaleur et du froid. Toutefois, ces transformations dans les perceptions, sensibilités et opinions ne résultent pas du seul passage du temps; elles sont aussi dues au changement de lieu et de culture1. L’idée abstraite d’un homme moderne, qui aimerait par exemple vivre dans un environnement réglé à 18 ºC, a désormais laissé place à une myriade d’hommes contemporains qui vivent en des lieux divers des cultures différentes, avec des perceptions et des sensibilités différentes2. Au contraire de ce que Charles Moore suggérait dans les années 19703, nous n’« habitons » pas un corps générique, mais des corps qui se distinguent par leur culture et leurs capacités perceptives, voire qui sont à l’occasion modifiés par des prothèses technologiques. Comme le souligne David Howes au sujet des recherches de McLuhan, « la perception n’est pas qu’une affaire de biologie, de psychologie ou de vécu personnel, mais de formation culturelle4 ». Les sciences humaines et sociales, de l’anthropologie à la géographie, ont connu ces dernières années une « révolution sensorielle » dans laquelle les « sens » ne constituent pas tant un nouveau champ d’études qu’une transformation des moyens utilisés pour observer et définir nos propres champs d’études.

Nombreux sont les architectes contemporains partageant ce regain d’intérêt pour une expérience sensorielle qui dépasse l’aspect purement visuel. Gaetano Pesce, Jacques Herzog, Juhani Pallasmaa, Steven Holl, Kengo Kuma ont souligné l’importance excessive accordée à la vision, de même que Peter Eisenman qui déclare : « Oui, le son, la matière, pas juste la vue. Pour ma part, je tente de remettre en question la prédominance de la vue, tâche difficile car la plupart des gens sont jugés par leur image. Notre environnement émet trop de bruit visuel5. »

Alison et Peter Smithson, dans leur description de « l’ordre aggloméré », avaient déjà imaginé un édifice qui « harnache tous les sens : il peut accepter une certaine rugosité, fonctionner de nuit et surtout, offrir des plaisirs qui dépassent la vue. Ce sont peut-être les plaisirs du territoire que les autres animaux ressentent si puissamment6. »

Dans les espaces intérieurs contemporains, des hôpitaux aux espaces collectifs des centres commerciaux, parcs thématiques et autres lieux de divertissement et de consommation, on porte maintenant une attention particulière aux diverses perceptions sensorielles, utilisées comme extension des stratégies de mise en marché des objets et des expériences. De nos jours, dans la conception des objets usuels, on tient de plus en plus compte des qualités sensuelles. Ainsi, dans le domaine de la communication des informations abstraites, de nouvelles recherches fondées sur le design multisensoriel, qui introduisent des aspects sonores et tactiles7, remplacent la conception de l’information selon Samuel Wurman8. Le même intérêt gagne également les conceptions de l’environnement virtuel. Ainsi, le Sensory Environments Evaluation Project (SEE) « cherche à formuler une nouvelle méthode de conception des environnements virtuels qui utilisent de multiples données sensorielles pour produire une présence9 » en renonçant au photoréalisme des vingt dernières années. Dans leur livre à succès The Experience Economy, Joseph Pine II et James Gilmore10 proposent d’intensifier l’interaction sensorielle du client avec les biens de consommation afin de rendre ces derniers plus expérientiels, donc d’un intérêt et d’une valeur accrus11.

Au moment où, dans la mise en marché sensorielle, qui voit à l’économie des sensations, dans le design multisensoriel, et même dans les recherches en art, on porte une attention soutenue aux expériences sensorielles, il est paradoxal de constater qu’en ce qui concerne l’environnement urbain, on demeure fermé à ces considérations.


  1. Murray Schafer a recueilli des données très intéressantes sur les bruits jugés importuns dans plusieurs villes, au début des années 1970. Voir Schafer, Soundscape, et la p. 174-175 de ce volume.  

  2. Reyner Banham, The Architecture of the Well-Tempered Environment, Chicago, Londres, University of Chicago Press, 1969, p. 40. 

  3. Kent C. Bloomer et Charles Moore, Body, Memory, and Architecture, New Haven et Londres, Yale University Press, 1977. 

  4. David Howes, « Introduction », dans Empire of the Senses: The Sensual Culture Reader, sous la direction de David Howes, Oxford et New York, Berg, 2005, p. 3-4. Il y propose une intéressante introduction à la révolution sensuelle qui s’est opérée dans les sciences humaines et sociales.  

  5. Peter Eisenman, au cours d’une entrevue menée par Chiara Visentin à Gênes, en 2004; maintenant à www.floornature.com

  6. Alison et Peter Smithson, Italian Thoughts, Suède, publié à compte d’auteur, 1993, p. 62. Voir aussi Juhani Pallasmaa, The Eyes of the Skin: The Sensual Culture Reader, Londres, Academy Editions, 1995 et Steen Eiler Rasmussen, Experiencing Architecture, Cambridge (Mass.), MIT Press, 1962; voir aussi Joy Monice Malnar et Frank Vodvarka, qui font un nouvel effort pour présenter le thème de façon globale dans Sensory Design, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2004. À noter également, la formation d’un « trust sensoriel »

  7. Keith V. Nesbitt, « Modelling the Multi-Sensory Design Space », dans Australian Symposium on Information Visualization. Conferences in Research and Practice in Information Technology, sous la direction de Peter Eades et Tim Pattison, Sydney, Australian Computer Society, 2001. 

  8. Voir Richard Samuel Wurman, Information Architects, New York, Graphis Press, 1996. 

  9. California International Conference on Computer Graphics and Interactive Techniques Archive, San Diego, SIGGRAPH, 2003. 

  10. B. Joseph Pine II et James H. Gilmore, The Experience Economy: Work is Theatre & Every Business a Stage, Boston, Harvard Business School Press, 1999. 

  11. Sur la privatisation des expériences sensorielles et de l’économie d’expérience, voir David Howes, « Hyperesthesia, or, The Sensual Logic of Late Capitalism », dans Empire of the Senses, p. 281-303. 

Caractère, atmosphère et urbanisme sensoriel

La « révolution sensorielle » n’est plus langue, sémiotique, texte, ni signe, mais redécouverte de la phénoménologie, de l’expérience, du corps, des perceptions et des sens. Elle concorde, en urbanisme et en architecture, avec la redécouverte du caractère1. Ce dernier terme, associé à un lieu, indiquerait sa spécificité; cependant, il ne se réfère pas à la seule donnée visuelle, mais s’élargit à l’ensemble des expériences sensorielles que nous pourrions éprouver dans ce lieu. Dès les années 1970, Kevin Lynch et Christian Norberg-Schulz avaient déjà réintroduit ce thème dans leurs réflexions sur l’environnement urbain2. Plus particulièrement, Norberg-Schulz avait décrit le lieu comme un phénomène « total » qualitatif, en utilisant des termes tels que « caractère environnemental » et « atmosphère3 ».

C’est justement ce dernier vocable que l’on emploie aujourd’hui le plus fréquemment pour décrire le caractère environnemental d’un lieu4. L’atmosphère, selon Gernot Böhme, est une condition presque objective. Elle implique une présence physique de l’objet et du sujet; elle attire l’attention sur le lieu; et surtout, elle présuppose une expérience sensorielle. « L’esthétique réhabilite la perception sensorielle, à l’inverse du jugement sensoriel, et le terme esthétique reprend ici sa signification première, c’est-à-dire la théorie de la perception5. »

Pourtant, il ne s’agit pas de développer seulement une nouvelle sensibilité. Comme le remarque Reinhard Knodt, il faut également une compétence spécifique qui s’étende au domaine pratique grâce au travail des artistes, architectes, urbanistes ou paysagistes6. En préparant un « urbanisme sensoriel » qui définisse le caractère et l’atmosphère des lieux, on doit éviter la pratique encore une fois basée sur la vision qui, car à l’instar de l’architecture et de l’urbanisme, l’architecture paysagère est dominée par la prédominance de l’œil. Malheureusement, comme l’observe Iñaki Ábalos, « la véritable invention pittoresque – là où un lieu possède une voix et nous parle pour nous dire ce qu’il attend de devenir, ce dont il a ou n’a pas besoin – s’est développée […] comme pure apparence, comme maquillage7. »

Selon Kengo Kuma, il existe une pratique manifestement non visuelle à laquelle nous pourrions avoir recours : « Le jardinage nous donne du courage et de nombreux indices8. » En fait, il ne s’agit pas d’éliminer simplement notre dépendance de la vision et d’introduire des conditions perceptives plus riches, mais de « rendre compte de ce tout qu’on appelle un endroit9 ». Le jardinier se tient toujours dans son jardin, il en est pratiquement prisonnier. Aucune distance ne l’en sépare, il ne peut manipuler le jardin visuellement de l’extérieur, comme le ferait un paysagiste. « Il ne cesse d’arroser, d’éloigner les insectes, de désherber et de replanter; s’il arrêtait, le jardin cesserait d’être […] Il n’existe pas de moment temporel où l’on atteint un but, où l’on accomplit une tâche. Un jardin ne s’achève pas10. »

Les documents, études et projets présentés dans cet ouvrage proposent une nouvelle façon de raconter, de décrire et de concevoir nos villes; ils proposent de les penser comme un endroit pour nos corps (et nos âmes)11; ils nous rappellent combien change la façon de percevoir l’environnement urbain; ils nous offrent une nouvelle histoire de l’évolution de la ville occidentale, fondée sur des points de vue jusqu’ici négligés; ils nous présentent de plus toutes les possibilités qu’offre l’environnement urbain dans ses aspects divers – sonores, olfactifs, tactiles, visuels et climatiques – , et nous invitent à les regarder sous un nouveau jour.

L’environnement physique urbain, malgré l’appauvrissement qu’il subit actuellement, constitue en fait un moment important de notre expérience de vie. Comme l’observe Joseph Rykwert, il existe encore une séduction du lieu, et l’invasion du cyberespace ne pourra substituer les « fonctions du domaine public tangible12 ». À l’inverse, l’élargissement du monde virtuel, connecté à l’échelle globale, accroît l’importance et l’intérêt dont jouissent les spécificités du lieu. Que l’accessibilité ne constitue plus un facteur discriminatoire transforme les autres qualités en atout fondamental pour rendre ce lieu attirant13.

L’atmosphère, les qualités sensorielles et le caractère revêtent donc une grande importance dans la définition d’un lieu, même d’un point de vue économique. Voilà autant de raisons pour exiger qu’on accorde la même attention aux lieux publics et aux espaces urbains en général. Peut-on unir les différentes approches de l’urbanisme contemporain et de « l’urbanisme sensoriel » afin d’accéder à une meilleure compréhension de l’environnement urbain, ouverte à une nouvelle définition de l’espace public, et qui intégrerait des composantes telles que le caractère et l’atmosphère d’un lieu? Plutôt que de voir la ville comme un lieu de différences, de conflit et de confrontation, ne pourrions-nous pas la concevoir comme un espace de camaraderie, de confort et d’hospitalité?


  1. Voir la notice « carattere » dans Luciano Semerani (dir.), Dizionario critico illustrato delle voci più utili all’architetto moderno, Venise, Fondazione Angelo Masieri, et Faenza, Edizione CELI, 1993; et « character » dans Adrian Forty, A Vocabulary of Modern Architecture, Londres, Thames and Hudson, 2000. 

  2. Kevin Lynch, The Image of the City, Cambridge (Mass.), MIT Press, 1960. 

  3. Christian Norberg-Schulz, Genius Loci. Paesaggio, ambiente, architettura, Milan, Electra, 1979. 

  4. Sur l’utilisation du terme « atmosphère » en urbanisme et en architecture, voir « Konstruktion von Atmosphären, » Daidalos no 68, 1998. 

  5. Gernot Böhme, « Atmosphere as an Aesthetic Concept, » Daidalos no 68, 1998, p. 114. Voir du même auteur Atmosphäre Essays zur neuen ‘Ästhetik’, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1995 et Anmutungen, über das Atmosphärische, Ostfildern, Edition Tertium, 1998. 

  6. Reinhard Knodt, « Atmosphären », dans Ästhetische Korrespondenzen, Denken im technischen Raum, Stuttgart, Philipp Reclam, 1994. 

  7. Iñaki Ábalos, « Metamorfosi pittoresca », Metamorph, Focus, catalogue de la 9e Exposition internationale d’architecture, Biennale de Venise, Venise, 2004, p. 147. 

  8. Kengo Kuma, « Gardening vs. Architecture », Lotus international no 97, juin 1998, p. 46-49. 

  9. Ibid., p. 49. 

  10. Idem

  11. Il serait peut-être utile de relire certains textes de James Hillman sur la ville. Voir en particulier City and Soul, Dallas, Center for Civic Leadership, University of Dallas, 1978. 

  12. Joseph Rykwert, The Seduction of Place: The History and Future of the City, New York, Vintage Books 2002, p. 159. 

  13. William J. Mitchell, « The Revenge of Place », dans This Is Not Architecture: Media Constructions, Kester Rattenbury (dir.), Londres et New York, Routledge, 2002. À ce propos, voir également François Ascher, Métapolis, ou l’avenir des villes, Paris, Éditions Odile Jacob, 1995, p. 263. 

Ce texte est paru dans Sensations Urbaines(CCA/Lars Müller Publishers, 2005), sous la direction de Mirko Zardini, dans le cadre de notre exposition du même nom.

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