Architecture de l’invocation

L’architecture peut souvent se retrouver au service d’un message : l’institution est digne de confiance ou avant-gardiste; telle personne ou telle entreprise est puissante; ce monde est un monde auquel on peut croire. Ce dossier étudie des exemples d’environnements conçus comme une modalité d’une stratégie de relations publiques. En analysant la manière dont l’architecture (et, tout aussi important, ses représentations) se fait porteuse de communication et d’influence, on peut mieux appréhender les versions de la réalité que celle-ci nous propose.

Article 8 de 16

New York : capitale du XXe siècle

Texte de Nancy Levinson

Dans Le livre des passages, Walter Benjamin a étiqueté Paris comme la « capitale du XIXe siècle ». Ce colossal ouvrage fondé sur des fouilles culturelles présente la chronique dense, inégalée et inachevée de l’histoire révolutionnaire, des luttes littéraires et des ambitions sexuelles qui ont animé la ville occidentale la plus belle et la plus sédimentaire, berceau de la modernité. New York ne livre pas en essence la même profondeur archéologique […] parce que la ville tend à effacer et à reconstruire plutôt qu’à superposer; elle a toujours privilégié la table rase plutôt que le palimpseste. […] New York, comme Paris, occupe une position mondiale historique en fonction de son siècle, sans doute plus importante que la capitale française. New York demande aussi le regard nuancé d’un connaisseur, d’autant plus que son règne est maintenant achevé, à l’instar de Paris lorsque Benjamin a forgé, durant les années 1930, son complexe billet doux intellectuel. »_
– Mark Kingwell, « New York, Capital of the 20th Century », dans Concrete Reveries: Consciousness and the City, 2008

C’est un riff simple, et le professeur canadien de philosophie Mark Kingwell en est déjà rendu là : New York était la capitale du XXe siècle, au moins en partie. Tout comme Paris a dominé le XIXe siècle pendant plusieurs décennies, depuis la fin du Second Empire à la fin du siècle, New York n’est devenu une capitale mondiale que dans les décennies du milieu du XXe siècle. On peut établir son essor à partir des années de la pax americana d’après-guerre, dans le siècle américain d’Henry Luce. Mais on peut aussi remonter à 10 ans ou plus, au milieu des années 1930, lorsque des édifices aujourd’hui célébrés – l’édifice Chrysler, l’Empire State Building, le Rockefeller Center et autres – ont tracé la ligne d’horizon de la ville moderne, et lorsque la ville a réhabilité une ancienne fosse à cendres de 1 200 acres située à Queens pour créer la spectaculaire Exposition universelle de 1939, au moment même où la guerre mondiale ravageait déjà l’Europe et l’Asie.

Ici, les archives du CCA donnent un aperçu de New York dans les images prises au XXe siècle par 25 photographes. Ce qui frappe – ce pourquoi ces photographies sont presque en séquence –, c’est la façon dont elles véhiculent l’atmosphère de la culture métropolitaine tout au long des décennies, témoignant de l’émergence, du règne et de la chute de cette capitale mondiale. Dans la deuxième image, qui date de 1910, Alfred Stieglitz montre, dans la pure tradition picturale, une scène de rue au cœur de Manhattan – image de grès ferrugineux, avec quelques voitures d’époque; mais en arrière-plan, nous apercevons la charpente d’un gratte-ciel, la charpente de l’avenir. Puis le futur se poursuit pendant quelques décennies.

À preuve les images d’une 5e Avenue affairée, du Flatiron Building et du Rockefeller Center, ainsi que de l’édifice Chrysler en construction, photographié par Walker Evans avant que l’édifice ne devienne un symbole de la ville. À cette époque, Evans a pris la photo pour une publicité annonçant un constructeur d’autos dont l’avenir semble illimité. (Evans travaillera plus tard à contrat pour le compte d’un des occupants de l’édifice, lorsque le magazine _Fortune _ lui demande, ainsi qu’à James Agee, de documenter la situation critique des métayers en Alabama.) Viennent ensuite la célèbre silhouette nocturne de la ville, immortalisée dans une photo du début des années 1930 que Berenice Abbott a prise du sommet de l’Empire State Building fraîchement achevé; et l’image d’un DC-2 survolant la ville, réalisée par Margaret Bourke-White – la photo peut aujourd’hui sembler sinistre, avec cet avion argenté voltigeant au-dessus de Lower Manhattan.

D’autres photos témoignent davantage de scènes quotidiennes. Une vue aérienne d’Ilse Bing balaie les maisons en rangées entassées dans les rues débouchant sur des avenues où se dressent de hauts immeubles. Une scène de rue captée par Charles Pratt montre les embouteillages engendrés sous une voie de chemin de fer suspendue à Queens. Norman McGrath documente une succursale de Macy’s installée dans un centre commercial de Staten Island (début des années 1970), au moment où une partie de la population de Manhattan décide d’aller vivre dans les banlieues. Des photographies des années 1980 et du début des années 1990, réalisées par Ray Mortenson, Brian Rose et Ed Fausty ainsi que Robert Burley, évoquent les luttes de la ville, alors plus morne et plus dangereuse.

Dans la ville impériale du début du XXIe siècle, ces luttes semblent lointaines. Mais dans tous les cas, New York n’est plus la capitale du monde, celui-ci étant devenu trop planétaire pour qu’une ville puisse aujourd’hui tenir ce rôle. Pour citer encore une fois Mark Kingwell, « si un coup de feu fatal tiré à Sarajevo a achevé la centralité de la ville-lumière, New York s’est transformé de façon encore plus évidente et monstrueuse au moment – encore si étrangement difficile à admettre, à accepter comme réel – où deux symboles du succès technologique et capital du XXe siècle se sont rencontrés dans une confrontation longtemps imaginée, longtemps sous-entendue […] »

Nancy Levinson était Chercheur en résidence au CCA en 2012.

1
1

Inscrivez-vous pour recevoir de nos nouvelles

Courriel
Prénom
Nom
En vous abonnant, vous acceptez de recevoir notre infolettre et communications au sujet des activités du CCA. Vous pouvez vous désabonner en tout temps. Pour plus d’information, consultez notre politique de confidentialité ou contactez-nous.

Merci. Vous êtes maintenant abonné. Vous recevrez bientôt nos courriels.

Pour le moment, notre système n’est pas capable de mettre à jour vos préférences. Veuillez réessayer plus tard.

Vous êtes déjà inscrit avec cette adresse électronique. Si vous souhaitez vous inscrire avec une autre adresse, merci de réessayer.

Cete adresse courriel a été définitivement supprimée de notre base de données. Si vous souhaitez vous réabonner avec cette adresse courriel, veuillez contactez-nous

Veuillez, s'il vous plaît, remplir le formulaire ci-dessous pour acheter:
[Title of the book, authors]
ISBN: [ISBN of the book]
Prix [Price of book]

Prénom
Nom de famille
Adresse (ligne 1)
Adresse (ligne 2) (optionnel)
Code postal
Ville
Pays
Province / État
Courriel
Téléphone (jour) (optionnel)
Notes

Merci d'avoir passé une commande. Nous vous contacterons sous peu.

Nous ne sommes pas en mesure de traiter votre demande pour le moment. Veuillez réessayer plus tard.

Classeur ()

Votre classeur est vide.

Adresse électronique:
Sujet:
Notes:
Veuillez remplir ce formulaire pour faire une demande de consultation. Une copie de cette liste vous sera également transmise.

Vos informations
Prénom:
Nom de famille:
Adresse électronique:
Numéro de téléphone:
Notes (optionnel):
Nous vous contacterons pour convenir d’un rendez-vous. Veuillez noter que des délais pour les rendez-vous sont à prévoir selon le type de matériel que vous souhaitez consulter, soit :"
  • — au moins 2 semaines pour les sources primaires (dessins et estampes, photographies, documents d’archives, etc.)
  • — au moins 48 heures pour les sources secondaires (livres, périodiques, dossiers documentaires, etc.)
...