Nous aimons Palladio et nous créons nos propres bâtiments
Un extrait d’une conversation entre Kersten Geers, Go Hasegawa et David Van Severen
- KG
- En tant qu’architectes, nous cherchons toujours des contraintes, comme les besoins du client, le site, le contexte ou le programme. L’histoire ajoute de la complexité à tout ça; elle offre une contrainte culturelle intéressante. Elle nous aide à ne pas accepter tout à fait le monde actuel tel qu’il est; elle nous impose une saine distance du présent.
- GH
- J’aime faire des projets qui me stimulent et me font découvrir quelque chose de nouveau. Une contrainte comme l’histoire m’aide à aller au-delà de ma propre imagination, de ce qui m’entoure et de mon expérience. C’est pourquoi il est essentiel d’entrer en conversation avec l’histoire, et bien sûr avec des personnes et des lieux. C’est une nouvelle attitude de notre génération – pendant longtemps, les architectes ont considéré l’histoire comme une sorte d’ennemi, qu’ils devaient surmonter.
- KG
- Je pense que ce que nous faisons dans nos bureaux avec l’histoire, c’est de chercher constamment et implicitement des références qui s’inscrivent dans l’univers culturel. Si notre travail s’en détache complètement, il ne reste plus rien. Nous devons comprendre les notions d’appartenance; nous souhaitons nous inscrire nous-mêmes et notre travail dans la longue lignée de l’histoire de l’architecture.
- DVS
- Toutes ces idées, ces références, ces solutions, ainsi que tous ces principes sont contenus dans une très grande boite. Selon moi, la difficulté est de savoir comment activer cela. Comment le faire tout en restant pertinents? Nous pouvons tout utiliser. Quand savons-nous qu’une architecture fonctionne ou non? Je pense que Go, Kersten et moi partageons un intérêt pour cette question, mais nous n’avons pas de réponse claire.
- KG
- En tant qu’agence, David et moi sommes très intéressés par l’histoire, par l’histoire des types architecturaux. Nous nous intéressons à l’histoire de l’apparence de l’architecture, qui est en soi toujours différente. Nous sommes intéressés par les références, mais veillons à les utiliser avec parcimonie. La bonne architecture n’est pas simplement la traduction d’une seule idée; elle est toujours composée de nombreux concepts.
- GH
- L’histoire est pour moi une façon de communiquer avec le temps à travers le bâti. Les éléments et typologies de l’Architecture existent depuis très longtemps. Aujourd’hui, ils sont considérés comme des symboles et des modèles, comme quelque chose de mort. Mais c’est loin d’être le cas. Ils restent profondément liés à la vie humaine, ils devraient donc être vus comme quelque chose de vivant qui peut être encore raffiné et amélioré. Quand ils sont revisités, ils deviennent à la fois anciens et nouveaux. Je ne m’intéresse pas à une époque particulière – tout m’interpelle. Je ne pense jamais au caractère contemporain ou non d’une idée. Nous utilisons des techniques et des matériaux contemporains, donc en fin de compte nous réalisons de l’architecture contemporaine, mais sans le faire sciemment. Nous sommes contemporains, et nous faisons donc de l’architecture contemporaine.
- KG
- Je suis totalement d’accord avec ce que Go vient de dire : nous créons un bâtiment maintenant, il devrait donc être fait avec des matériaux d’aujourd’hui, dans le contexte actuel et avec la logique économique dans laquelle nous sommes. L’histoire fait plus que nous donner des idées. Elle nous donne un contexte et nous montre comment certains contextes créent certaines idées.
- DVS
- Quand la génération précédente faisait référence à Palladio, le résultat était une copie d’une colonne ou d’un fronton. Mais nous aimons Palladio et nous créons nos propres bâtiments. Vous pourriez appeler ça une fausse lecture de l’histoire, mais elle est productive et essentielle à notre pratique.
Cette conversation a eu lieu en 2017, dans le cadre de notre exposition L’histoire, par ailleurs : Go Hasegawa, Kersten Geers, David Van Severen.