Comment Cuba et le Chili ont reçu une structure d’habitation soviétique en panneaux de béton
Un projet de recherche de Pedro Ignacio Alonso
Viterbo O’Reilly était ingénieur dans la grande usine soviétique de panneaux de Santiago del Cuba. Le suivant est une traduction d’un morceau d’une conversation avec Hugo Palmarola qui a eu lieu à La Havane le 15 mars 2011, au CUJAE (le Superior Politécnico José Antonio Echeverria) :
Au début du processus lié à la révolution cubaine, plusieurs projets de développement ont été interrompus par l’ouragan Flora (1963), qui a de toute évidence forcé l’État cubain à prendre une autre direction. Le pays entretenait alors déjà des relations très directes avec l’Union soviétique, et au moment où survint le cyclone, je me trouvais à Moscou où je suivais un cours sur la préfabrication.
Cuba a alors envoyé en Union soviétique un documentaire sur la catastrophe, qui fut projeté dans notre ambassade à Moscou pour Nikita Khrouchtchev et sa fille. Dans un geste de solidarité avec Cuba, Khrouchtchev proposa de faire don d’une usine de fabrication de maisons, qui atteindrait un taux de production de 1 400 à 1 700 logements par année – ce fut la structure I-464.
Les problèmes survinrent ensuite, car les maisons étaient conçues pour un contexte russe. Aussi, Cuba créa une commission chargée d’étudier et d’améliorer le design et les conditions structurelles car, comme vous pouvez l’imaginer, un grand panneau de béton installé en Russie ou dans toute autre région d’Union soviétique doit pouvoir résister au poids de la neige, tandis qu’à Cuba, il faut tenir compte des vents.
Pedro Ignacio Alonso a examiné l’introduction et l’adaptation d’une importante structure d’habitation soviétique, KPD, conçue en panneaux de béton et offerte à Cuba, dans les années 1960, sous le régime de Fidel Castro, et au Chili, dans les années 1970, sous le régime de Salvador Allende. Effectuée en collaboration avec le designer Hugo Palmarola, cette recherche permet d’explorer le don d’usines soviétiques et de savoir-faire technologique à ces deux pays latino-américains. Les auteurs s’appuient sur de multiples supports, dont des photographies, des films, des dessins d’architecture et des entrevues témoignant d’histoires orales. Alonso et Palmarola ont publié le livre Panel en 2014.
Plus tôt dans ses recherches, Alonso a parlé avec Janet Abrams au CCA au sujet d’architecture comme appareil politique, de la signification idéologique que revêt l’emploi de femmes travaillant comme opératrices de grues, de la façon dont les panneaux furent modifiés en fonction de leur nouveau contexte géographique et social, ainsi que de ce « récit policier » consistant à percer ensemble les mystères de cette histoire architecturale triangulaire grâce à des recherches dans les archives et des voyages dans ces trois pays.
Pedro Ignacio Alonso en conversation avec Janet Abrams (en anglais)
Alonso et Palmarola ont enregistré des entrevues avec des ouvriers et ingénieurs, âgés aujourd’hui de 70 ou 80 ans, qui ont travaillé à adapter les structures au contexte cubain ou chilien. Des extraits de ces entrevues, en espagnol, sont présentés ici.
Entrevue avec M. E. Pivet, ancien grutier et délégué syndical auprès de la Chilienne KPD
Entretien avec V. O’Reilly, ancien ingénieur dans l’usine de grands panneaux soviétiques à Santiago de Cuba
Entretien avec A. Arenas, ancien chef du service des habitations industrialisées de la CORVI sous Salvador Allende au Chili
Entrevue avec M. Ramírez, ouvrier de l’usine KPD entre 1971 et 1973 et ancien président du Agrupación de Exonerados Políticos du KPD
Pedro Ignacio Alonso était en résidence au CCA en 2011 à titre de chercheur invité.