Zeno et Aldrin se rencontrent à Riparbella, au cours de l’été 2008
Une conversation imaginée par Alessandro Poli
Le paysage de Riparbella, où Zeno et Aldrin se rencontrent, tant d’années après le premier pas sur la Lune, est reconstitué d’après leur récit. La campagne des Preselle avec sa cabane, son puits, sa rangée de vignes, appartient désormais à l’Histoire. L’accélération actuelle du temps l’a transformée en une banlieue anonyme.
- Z
- Je ne reconnais rien, et pourtant il y a encore ici bien des choses qui m’appartiennent.
- A
- Est-ce que tu pourrais encore te servir de tes techniques de réutilisation pour transformer ce qui semble complètement détruit?
- Z
- C’est possible… mais à condition que tu arrives, de ton côté, à transformer ta technique envahissante et dominatrice pour laisser un peu d’espace à mon travail. Je peux te montrer, mais il faut y croire!
Leur rencontre fait de la périphérie un lieu; il ne s’agit pas ici de retourner dans le passé, mais de réinventer le monde contemporain selon d’autres règles, dictées par la cohabitation de cultures et de technologies qui proviennent de réalités et de parcours différents, et par une compréhension mutuelle.
- A
- J’ai été un des artisans du plus grand défi technologique du XXe siècle. Nous sommes allés sur la Lune.
- Z
- Je m’en souviens! J’ai pensé à vous : j’étais tout seul dans ma cabane des Preselle et j’étais inquiet pour vous, pour votre retour.
- A
- Notre technologie était sûre : elle avait été soumise à tous les tests et contrôles possibles, et tout a bien fonctionné.
- Z
- Il manquait un test fondamental : celui du besoin, de la « nécessité », qui doit être à la base de tout ce que nous faisons. Ma perception intime de la Lune est ancrée dans la nécessité, comme pour tout ce que je fais. C’est là le motif principal qui me pousse à faire, à essayer, à tenter des choses, à la mesure de mes moyens.
Zéno est l’auteur principal d’une réappropriation qui peut ramener le territoire à une dimension où tout, même l’architecture, naît de la nécessité, du doute, du respect de techniques simples, alors même qu’on y applique une technologie de plus en plus perfectionnée et invisible. La planète est désormais envahie par un réseau médiatique qui la transforme en réalité virtuelle.
- Z
- Le plus grand défi pour le monde d’aujourd’hui est le retour à la Terre; et il nous faut le relever ensemble.
- A
- Repartir de la nécessité pour donner aux édifices des banlieues blafardes, comme aux mégastructures qui envahissent les déserts, une possibilité de se racheter, de se transformer, grâce aux méthodes de réutilisation.
- Z
- Je peux te guider, en empruntant les raccourcis que j’avais tracés à travers la campagne de Riparbella pour rentrer à la maison. Ils étaient nécessaires, aussi nécessaires que la Lune qui m’éclairait.
L’idée de paysage, qui naît de leur rencontre, procède d’une fusion de mondes différents, qui parvient à dilater l’espace au lieu de le comprimer et de l’envahir : c’est une situation nouvelle, qui découle d’un récit, d’un échange d’expériences préalable à l’avènement de la réalité.
Nos photomontages intitulés Avvicinamento dei Pianeti (Rapprochement des planètes), avant même de renvoyer à des territoires définis, exprimaient aussi l’idée de fondre des mondes différents pour créer des possibilités inédites.
Alessandro Poli
Florence, le 28 janvier 2010
Ce récit fictif a fait partie de notre projet Autres odyssées de l’espace en 2010, et il a été publié dans le livre du même nom.