Pour votre sécurité

Où se situe la sécurité dans l’architecture et quelle est à qui la conception donne-t-elle la priorité en matière de sécurité ? Qu’il s’agisse de sécuriser ou de restreindre, les mesures de sécurité conditionnent la manière dont nous nous organisons dans l’espace et vivons ensemble. Mais les règles et les codes conçus pour nous protéger dans l’environnement bâti reposent sur certaines normes, qui évoluent avec le temps et sont soumises à des pressions idéologiques et à des pratiques d’exclusion. Avec ce dossier, nous sondons les mécanismes que nous avons développés et les récits que nous racontons pour protéger nos expériences dans le monde à travers des considérations sur l’infrastructure, la matérialité, la mémoire et la création de mythes.

Pour votre sécurité est conçu par Victoria Addona, Claire Lubell, Alexandra Pereira-Edwards et Anna Tonkin.

Article 7 de 7

Consacré à la sécurité de la vie et du corps

Elliott Sturtevant sur l'émergence des spécialistes de la sécurité au début du XXe siècle

En 1904, The Outlook publie un éditorial exposant les conséquences inattendues de l’industrialisation et de l’urbanisation galopantes aux États-Unis. L’article souligne que « l’augmentation alarmante du nombre de victimes de toutes sortes dans ce pays au cours des deux ou trois dernières années devient une préoccupation de première importance. Chaque année, plus de personnes meurent dans des accidents dits fortuits que dans des guerres de grande envergure, ce qui montre qu’il est aussi dangereux de vivre aux États-Unis que de participer à une véritable opération de guerre. » Parmi les « accidents » répertoriés, on trouve le déraillement d’un train de voyageurs causé par la chute de bois d’un train de marchandises, l’explosion d’un tramway après avoir roulé sur une boîte de dynamite tombée d’un wagon, l’effondrement d’un immeuble d’habitation écrasant des personnes qui se trouvaient dans la rue, une collision ferroviaire mortelle près de Knoxville, dans le Tennessee, et ainsi de suite. « À ces accidents plus graves s’ajoute », rappelle l’éditorial à son lectorat, « la mortalité quotidienne causée par les tramways à traction, les chutes d’ascenseurs et l’imprudence et l’incompétence des automobilistes »1.

Tandis que les générations précédentes se préoccupaient principalement des menaces naturelles telles que les incendies, les maladies, les conditions météorologiques et les animaux, les risques d’origine humaine – machines et infrastructures bâties – ont commencé à prendre de l’importance au cours du XIXe siècle, en particulier avec l’avènement des chemins de fer2. Ces risques ne menaçaient pas seulement la vie humaine, mais aussi, et peut-être plus crucial encore, la prospérité économique, selon les réformistes en devenir.

Par exemple, dans The Problem of Greater New York and Its Solution, Harry Chase Brearley établit un lien entre les craintes concernant la future « suprématie commerciale » de la ville et l’état lamentable de ses installations portuaires, ses problèmes de circulation persistants et les conditions de travail et de vie de sa population3. Adoptant une stratégie similaire à celle du photojournaliste Jacob Riis dans How the Other Half Lives, Brearley compare les dangers de l’« encombrement » à l’échelle urbaine et domestique en associant des photographies de la circulation dans les rues étroites de la ville à des cartes documentant les cas de tuberculose dans les immeubles surpeuplés. Ailleurs, Brearley compare un exemple de salle de travail bien éclairée, bien ventilée et à l’épreuve du feu à Bush Terminal, à Brooklyn, avec les intérieurs sombres des infâmes ateliers clandestins de Manhattan. La ville et ses environnements de travail industriels sont ainsi présentés comme un éventail de dangers anthropiques nécessitant des mesures correctives professionnelles. La ville industrielle se situe à une des extrémités de cet éventail : elle est au centre des préoccupations des urbanistes, des organismes de défense du logement et des premiers calculs et des conceptions des spécialistes en ingénierie de la circulation, avec le feu restant une menace persistante4. À l’autre extrémité se trouve le lieu de travail, un espace longtemps marqué par les conflits entre la main-d’œuvre et le capital et de plus en plus soumis aux ambitions des réformistes visant à assurer un fonctionnement sans heurts et à leur quête illusoire d’une « efficience » toujours plus performante5.


  1. « Les statistiques de mortalité provenant de ces sources devraient être collectées », poursuit le rapport, « afin que le peuple des États-Unis regarde la situation en face et comprenne à quel point la vie humaine est devenue bien peu de chose ». « Slaughter by Accident », The Outlook, 8 octobre 1904, 359.  

  2. Arwen Mohun, Risk: Negotiating Safety in American Society, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2013.  

  3. Harry Chase Brearley, The Problem of Greater New York and Its Solution, New York, Search-Light Book Corp., 1914. 

  4. Sara E. Wermiel, The Fireproof Building: Technology and Public Safety in the Nineteenth-Century American City, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2000. Pour une étude plus récente, voir Daniel Immerwahr, « All That Is Solid Bursts into Flame: Capitalism and Fire in the Nineteenth-Century United States », Past & Present (2024), gtad019. 

  5. Au sujet de « efficiency », voir Samuel P. Hays, Conservation and the Gospel of Efficiency: The Progressive Conservation Movement, 1890-1920 (1959 ; réédition, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 1999); et Samuel Haber, Efficiency and Uplift: Scientific Management in the Progressive Era, 1890-1920, Chicago, University of Chicago Press, 1964. 

Exemples d’« encombrement » à New York à l’échelle urbaine et domestique. Harry Chase Brearley, The Problem of Greater New York and Its Solution, New York, 1914, 26-27

L’émergence des spécialistes de la sécurité et du mouvement « Safety First » [la sécurité avant tout] s’inscrit dans un effort plus vaste visant à réduire les menaces et les craintes en matière de sécurité au tournant du XXe siècle1. En combinant l’analyse statistique, l’utilisation de dispositifs de sécurité, la réglementation et la formation, ces spécialistes cherchent à instaurer des techniques de gestion des risques sur les lieux de travail et, par extension, dans les foyers et les villes. Selon les points de vue, ces initiatives peuvent être perçues comme un projet bienveillant pour améliorer la santé et la sécurité publiques et professionnelles, ou comme un moyen d’exercer un contrôle accru sur la vie des individus au travail pour maximiser leur exploitation.

Le Musée américain de la sécurité, fondé par William Howe Tolman en 1907, était l’une des institutions consacrées à la cause de la sécurité2. En 1913, Tolman utilise une métaphore architecturale pour décrire le travail qui attend les responsables de l’ingénierie de la sécurité et le mouvement de la sécurité en général : « En résumé, l’une des phases les plus importantes de notre développement futur est la création d’une rambarde peu coûteuse et efficace au sommet de notre précipice industriel pour se substituer à l’ambulance peu fiable et coûteuse qui se trouve en bas. »3 Tolman faisait peut-être référence à la substitution des lois sur la responsabilité des personnes qui emploient par celles sur l’indemnisation des personnes au travail, alors en cours de mise en œuvre4. Quoi qu’il en soit, sa métaphore illustre l’aspect essentiel du projet de sécurité : les spécialistes de la sécurité espéraient atténuer les risques à court terme pour mieux garantir des bénéfices à long terme.


  1. Mark Aldrich, Safety First: Technology, Labor, and Business in the Building of American Work Safety, 1870–1939, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1997. 

  2. Ross Wilson, « The Museum of Safety: Responsibility, Awareness and Modernity in New York, 1908-1923 » Journal of American Studies 51, No. 3 (2017: 915-938. 

  3. William Howe Tolman et Leonard B. Kendall, Safety: Methods for Preventing Occupational and Other Accidents and Disease, New York, Harper, 1913, 8. 

  4. Dans les années 1910, au moins deux douzaines d’États ont adopté des lois garantissant une certaine forme d’indemnisation pour les personnes blessées au travail. David Rosner et Gerald E. Markowitz, dirs., Dying for Work: Workers’ Safety and Health in Twentieth-Century America, Bloomington, Indiana University Press, 1987, xiv. 

Édifier un « Musée de l’économie sociale »

Vue de « The American Exhibit », présentant des modèles du « quartier de logements collectifs ouvriers » réalisés par le Tenement-House Committee de la Charity Organization Society de New York. William Howe Tolman, « Social Economics in the Paris Exposition », The Outlook 66 (1900) : 312

Avant de fonder le Musée américain de la sécurité, Tolman est choisi par le président de la League of Social Service, Josiah Strong, pour organiser une exposition sur l’état des villes américaines. D’abord présentée chez une personnalité mondaine de Manhattan, cette exposition est ensuite sélectionnée pour figurer parmi les expositions du gouvernement des États-Unis dans le Palais des Congrès et de l’économie sociale de l’Exposition de Paris de 1900. Sa présentation se trouve à proximité de l’« American Negro Exhibit », qui regroupe des visualisations de données réalisées par W.E.B. Du Bois, ainsi que des maquettes du « tenement-house district » de New York1. Cet emplacement est particulièrement opportun puisque Tolman et Strong s’étaient inspirés du Musée social de Paris, héritier des expositions sur l’« économie sociale » de la précédente exposition universelle de la ville. Leur présentation comprend des informations sur les mesures prises par les entreprises pour améliorer les conditions de travail, sur les initiatives de l’Église, d’autres organisations telles que l’Armée du Salut et la YMCA, ainsi que sur les programmes municipaux destinés à améliorer les conditions de vie2. Par ailleurs, l’Exposition de Paris 1900 accueille des expositions organisées par les principaux « musées du travail » européens, qui cherchent également à documenter les efforts déployés pour améliorer les conditions de vie et de travail des classes laborieuses3.

Après la fermeture de l’exposition, Tolman et Strong proposent de créer une institution ayant une vocation similaire à New York. Ce « Museum of Social Economy », comme Tolman l’a initialement nommé, prévoit de faire des objets exposés à Paris son « noyau »4. Comme l’explique plus tard The New York Times, ce musée « contiendrait des données soigneusement collectées – livres, rapports, documents, photographies, tableaux et autres – qui permettraient de réaliser une étude complète des systèmes de parcs, des bains publics, du nettoyage des rues et de l’élimination des ordures, des systèmes d’éclairage et d’adduction d’eau, du service des incendies, du problème du logement, etc. de toute importante ville du pays, et de toutes les grandes villes du monde ». De plus, des documents sur l’amélioration industrielle – « ce que les employeurs fortunés entreprennent pour améliorer le moral et l’intelligence de leurs travailleurs, les méthodes d’hygiène les plus approuvées dans les usines, l’embellissement des foyers ouvriers » – viendraient compléter la documentation sur les réalisations municipales5.

L’International Exposition of Safety Devices and Industrial Hygiene [Exposition internationale sur les dispositifs de sécurité et l’hygiène industrielle], qui se tient au Musée américain d’histoire naturelle en 1907, est finalement le catalyseur de la création du musée de Tolman6. Plus de trois cents entreprises y participent pour mettre en valeur les efforts déployés afin de préserver la vie humaine. Au cours du dîner inaugural de l’exposition, le gouverneur de l’État de New York, Charles Evans Hughes, chiffre la gravité du problème, en indiquant que le nombre de personnes tuées ou blessées dans diverses industries aux États-Unis avoisine les cinq cent mille par an. Une perte tragique de vies, mais aussi, d’un point de vue économique, un gaspillage inacceptable de ressources humaines. Pour remédier à ce que le magazine Scientific American appelle « le carnage et la mutilation quotidienne qui surviennent dans l’exercice d’arts pacifiques », l’exposition présente une série de dispositifs de sécurité, dont beaucoup sont relativement peu coûteux et conçus pour empêcher les machines de blesser les personnes qui les manipulent7. Il s’agit notamment de boucliers pour les meules à rotation rapide susceptibles d’exploser sous l’effet de la pression, de carters autour des engrenages et des poulies, et d’arrêts d’urgence fabriqués pour réduire les risques de mutilation des personnes qui travaillent sur les machines. Le succès de l’exposition conduit à la création du « American Museum of Safety Devices and Industrial Hygiene » [Musée américain des dispositifs de sécurité et de l’hygiène industrielle] plus tard dans la même année8.


  1. William Howe Tolman, « Social Economics in the Paris Exposition », The Outlook 66 (1900) : 311-318. 

  2. Tolman, « Social Economics in the Paris Exposition », 318. 

  3. Leopold Katscher, « Modern Labor Museums », Journal of Political Economy 14, No. 4 (1906) : 224-235. 

  4. Tolman, « Social Economics in the Paris Exposition », 318. 

  5. « A Social Museum for New York », The New York Times, 13 avril 1902. 

  6. « An Exposition of Safety Devices and Industrial Hygiene », Scientific American (26 janvier 1907) : 93-94. 

  7. « The ‘Casualty List’ of American Industries », Scientific American (9 février 1907) : 126. 

  8. L’institution a été rebaptisée « Museum of Safety and Sanitation » [Musée de la sécurité et de l’hygiène] en 1910, au moment de son déménagement dans le bâtiment de la United Engineering Societies, au 29 West 39th St. Wilson, « The Museum of Safety », 923. 

Photographie d’un carter de protection pour une meuleuse lourde. « An Exposition of Safety Devices and Industrial Hygiene », Scientific American 96, No. 4 (26 janvier 1907) : 93

Le Musée américain de la sécurité

En 1910, après son déménagement dans le United Engineering Societies Building, le musée reçoit le soutien de la Carnegie Corporation et change officiellement de nom pour devenir le Musée américain de la sécurité. L’institution commence à publier en 1909 un bulletin intitulé Safety(, présentant les derniers dispositifs de sécurité, et organise régulièrement des conférences animées par des spécialistes de renom. Le musée propose également un projet de construction d’un nouveau bâtiment (Fig. 4). À la suite d’une série d’accidents industriels au début des années 1910, notamment l’incendie de l’usine Triangle Shirtwaist du 25 mars 1911 et le naufrage du Titanic* dans la nuit du 14 avril 1912, les efforts du musée, et plus généralement le mouvement pour la sécurité, gagnent en importance et en urgence . Toutefois, au lieu de plaider pour une surveillance réglementaire renforcée, le musée, à l’image du mouvement, insiste sur la nécessité d’une plus grande responsabilité individuelle, transférant ainsi la charge de la sécurité de l’État, de la municipalité et de l’entreprise vers la personne qui travaille .

« Proposed Museum of Safety and Sanitation » [proposition], New York, The American Museum of Safety, 1910. Musée de la ville de New York

Prenons l’exemple des Manuels de sécurité du musée, qui abordent de nombreuses questions relatives au lieu de travail. Dans Alcoholism in Industry, Tolman décrit les efforts investis par les entreprises européennes pour réduire les accidents liés à la consommation d’alcool sur le lieu de travail. À l’usine AEG de Berlin, une cantine propose des boissons fraîches en été et des boissons chaudes en hiver. De même, à l’American-Line de Hambourg, une cantine vend de la limonade et de l’eau gazeuse. Cependant, Tolman soutient que ce problème n’est pas uniquement du ressort des employeurs; les employés et leurs épouses sont mises en cause ! « Il arrive que la femme soit trop indifférente ou ignorante pour préparer un déjeuner convenable », écrit Tolman, « ce qui oblige les hommes à apaiser leur faim en buvant de l’alcool »1. Ainsi, les programmes de sécurité des entreprises incluent également la vie domestique des personnes qui y travaillent. Tolman remarque que « l’hygiène et l’entretien du foyer sont étroitement liés à des conditions de vie saines »2.

Dans de nombreux cas, les employeurs réagissent en organisant des examens médicaux et d’autres moyens de dépistage des personnes susceptibles d’être victimes d’accidents, au lieu d’offrir de meilleures conditions de travail et de vie. Le manuel suivant du musée, Yard Practice, reproduit un panneau traduit en six langues accroché à l’extérieur du bureau de l’emploi de la National Tube Company et de la Lake Terminal Rail Road Company. On peut y lire : « Pour les hommes à la recherche d’un emploi : Si vous n’êtes pas disposé à faire preuve de prudence pour éviter de vous blesser et de blesser vos compagnons de travail, ne sollicitez pas de poste. Nous ne recherchons pas d’hommes négligents à notre service »3. La sécurité est ainsi présentée comme une vertu individuelle, plutôt qu’une responsabilité de l’entreprise. En particulier, les populations nouvellement immigrées sont souvent qualifiées de « négligentes » et « imprudentes », et les accidents sont fréquemment imputés à la faute des travailleurs et des travailleuses.


  1. William H. Tolman, « Alcoholism in Industry, Some European Methods of Prevention », Manuals of Safety 1, New York, American Museum of Safety, 1911, 8. 

  2. Tolman, « Alcoholism in Industry, 10. 

  3. Charles Kirchhoff et William H. Tolman, « Yard Practice, Walks and Railings », Manuals of Safety 2, New York, American Museum of Safety, 1912, 10. 

L’économie de la prévention des accidents

Lorsque les responsables de l’ingénierie de la sécurité interviennent, ce sont souvent des dispositifs de sécurité qui sont mis en place : protections, lunettes, masques filtrants et autres améliorations architecturales des lieux de travail. La description et la présentation de ces interventions constituent une grande partie des expositions du musée. En 1917, par exemple, la compagnie d’assurance-vie Aetna fait don de ses objets exposés lors de l’Exposition universelle Panama-Pacifique de 1915, comprenant une série de machines modernes à moteur entièrement sécurisées, ainsi qu’une maquette d’usine1. Représentant un bâtiment en briques de deux étages, la maquette est divisée en deux par un mur coupe-feu qui s’étend jusqu’au toit. Un côté est étiqueté « sûr », l’autre « dangereux ». Du côté « sûr », l’escalier est construit à un angle adapté, avec des rampes standard et un palier à mi-parcours. Du côté « dangereux », l’escalier est raide et dépourvu de mains courantes, avec un trou non protégé dans le sol. Du côté « sûr », les machines sont équipées de protections, et les meuleuses et polisseuses sont dotées de systèmes d’aspiration pour limiter l’inhalation de poussières. Les tapis roulants sont sécurisés et les moteurs sont entourés d’un treillis métallique. Une salle d’urgence, située au deuxième étage, dispose d’une armoire de premiers soins, d’un lit et de chaises. Le côté « sûr » inclut également un bureau séparé, des toilettes, des radiateurs à vapeur miniatures et des lampes électriques disposées à intervalles réguliers, avec des abat-jours pour limiter les éblouissements indésirables . Les murs intérieurs sont peints en blanc, car, comme l’explique le journal, l’obscurité tend à attirer la saleté et conduit souvent à un « mépris total de l’“ entretien ” »2. Le côté « sûr » dispose d’une porte coupe-feu en tôle, marquée d’un voyant vert, qui mène à un escalier de secours entièrement métallique, ainsi qu’à un système d’arrosage miniature. En revanche, le côté « dangereux » n’a pas d’issue de secours.


  1. « The Aetna Accident Prevention Exhibit Now at the Museum », Safety 5, No. 3 (mars 1917) : 50-59. 

  2. « The Psychology of Cleanliness », Safety 4, No. 9 (octobre 1916) : 223. 

Côté « sûr » à gauche, côté « dangereux » à droite. « The Aetna Accident Prevention Exhibit Now at the Museum », Safety 5, No. 3 (mars 1917) : 51

De nombreux dispositifs, ajouts et considérations similaires sont présentées dans Safety Methods for Preventing Occupational and Other Accidents and Disease, un ouvrage coécrit par Tolman et Leonard B. Kendall. Divisé en trois sections principales, le livre aborde les « zones dangereuses », telles les passerelles et les machines, le concept d’« hygiène industrielle », qui traite de l’exposition potentielle à des produits chimiques nocifs et à des poisons, et le « bien-être social », qui étend la question de la sécurité à l’éducation industrielle et à la vie des personnes employées en dehors de l’usine. Comme l’écrit Tolman dans les premières pages, « l’opinion générale de la profession d’ingénieur veut qu’une moitié des accidents aux États-Unis puisse être évitée et qu’une estimation prudente du nombre annuel d’accidents entraînant la mort ou une invalidité partielle ou totale puisse être évaluée à 500 000. Si l’on considère que la capacité de gain de l’ouvrier moyen est de 500 dollars par an, nous devons envisager une perte sociale et économique de 250 millions de dollars par année »1. Les accidents du travail sont donc considérés comme un gaspillage humain, mais aussi financier.

Dans les pages de Safety et parmi les expositions du Musee américain de la sécurité, nous remarquons une collection de produits qui subordonnent souvent la préservation de la santé humaine aux équations économiques2. Pour reprendre une expression que l’Occupational Health and Safety Administration, une émanation d’après-guerre du mouvement, utilise toujours aujourd’hui : « Safety Pays » [la sécurité paie]=3. Or, à qui ces dispositifs, ces interventions et ces considérations ont-ils finalement profité ? Une photographie de deux douzaines de lunettes de sécurité fêlées suggère un nombre égal de personnes au travail tout aussi reconnaissantes. L’homme qui s’apprête à pénétrer dans un égout équipé d’un masque filtrant Barnum apprécie sans doute lui aussi un peu plus d’air frais. Les femmes représentées dans les pages de Safety exhibent des « postures déraisonnables » et se demandent peut-être à qui profite le remplacement de leurs chaises par divers « équipements qui éliminent la fatigue »4. Quant aux hommes vêtus de la tête aux pieds de combinaisons ignifugées et doublées d’amiante, ils ont peut-être regretté plus tard leur décision, certains finissant même peut-être par la payer de leur vie.


  1. Tolman et Kendall, Safety: Methods for Preventing Occupational and Other Accidents and Disease, 2. 

  2. Des catalogues commerciaux pour de nombreux produits similaires peuvent être consultés au CCA, voir par exemple le Harris System Portable Fire Escapes, Edison Electric Safety Mine Lamp, et [Carborundum Anti-Slip Tile],(https://www.cca.qc.ca/en/search/details/library/publication/848582301) entre autres. 

  3. « Le programme “ Safety Pays ” », déclare l’OSHA, « sensibilise à la manière dont les accidents du travail et les maladies professionnelles impactent la rentabilité d’une entreprise ». « OSHA’s Safety Pays Program », [Occupational Safety and Health Administration], (https://www.osha.gov/safetypays). 

  4. Frank B. Gilbreth, « Wasteful Posture », Safety 6, No. 9 (juin 1922) : 147-150. 

Suite à la guerre, l’intérêt pour le musée s’estompe. D’autres institutions, telles que le National Safety Council, gagnent en importance et l’intérêt pour le « musée », en tant que vecteur d’engagement public, est de plus en plus négligé. Lorsque Scientific American publie une série d’images des intérieurs du musée, intitulée « Dedicated to the Safety of Life and Limb » [Consacré à la sécurité de la vie et du corps], l’institution est déjà sur le point de disparaître1. Peu de temps après, un Bureau de la sécurité publique est créé au sein du département de la police de la ville, marquant un changement dans la signification de la « sécurité », qui passe d’un objectif de réforme sociale à une justification d’une surveillance et d’un maintien de l’ordre renforcés2. Néanmoins, il est intéressant de se demander à quoi pourrait ressembler un « musée de la sécurité », ou une institution similaire, aujourd’hui. Quels dispositifs y seraient exposés? Quelles informations y seraient recueillies? Quel rôle pourrait-il jouer pour préparer, faute d’un meilleur terme, la société aux « dangers » du XXIe siècle? Ou mieux encore, comment pourrait-il remplacer les conceptions antérieures de la « sécurité » par une nouvelle approche axée sur la notion de « care »?


  1. « Dedicated to the Safety of Life and Limb: The Safety Museum in New York City », Scientific American 130, No. 6 (1924) : 401. 

  2. Wilson, « Safe in the City ». 

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